situation deux : le combat. La lune est à son zénith - pleine, ronde, vive- déesse toute puissante et incandescente qu'elle admire de son piédestal, fascinée. Voilà plus de quatre heures qu'elle traque la créature, sans relâche, à travers les bois. Cette abomination qui n'a lieu d'être, et qui ternit Selene de son existence. Hérésie blasphématoire, visant à bafouer les principes mêmes de celle qui trône, là-haut, dans son rôle de guide et de mère bienveillante. Un loup, que même les cieux ont damné et rejeté. Astoria fait honneur à sa famille, et à son nom. Elle se veut justice et exterminatrice dans cet îlot de douleur et de souffrance. Réajustant ses armes, elle s'avance sans bruit dans la nuit, guettant le moindre bruit, le moindre geste brusque de son adversaire, primitif.  Elle sait qu'elle est sur la bonne voie, si ce n'est par le silence anormal des lieux, et par le frisson qui lui parcoure le dos. Depuis trop longtemps déjà, elle le traque. Ce loup qui s'est joué d'elle, qui la nargue de ses yeux compatissants et affectueux. Et tout ce que l'adolescente désire, désormais, c'est voir le sang couler, et la mort sévir. Trop de fois a-t-elle failli à son rôle, pour une faiblesse momentanée, naïve. Mais pas cette fois. Pas cette nuit. Alors, elle continue d'avancer, encore et encore,  se faisant aussi légère et silencieuse qu'une ombre, ne faisant qu'un avec la noirceur des lieux. I know you're here. Don't even bother hiding. Sa voix est sèche, froide, et dénuée de toute émotion. Seul le léger bruissement des feuilles contre le vent lui répond, mais cela suffit à confirmer ses doutes. Il est là, quelque part, juste devant elle, attendant le moindre moment d'incertitude pour prendre ses jambes à son cou, et fuir. Elle ricane légèrement. Cela a toujours été ainsi, après tout. Un lâche, fuyant à la moindre complication, et ne pensant qu'à lui-même, qu'à sa propre petite personne. A cette pensée, sa rage augmente, et elle sert d'autant plus la dague dans ses mains. Elle souhaite en finir. Ce soir, une bonne fois pour toute. Quitte à y laisser la vie, pourvu que ce traître la rejoigne en Enfer. Come out wherever you are. Come give your sister a hug ! Elle s'avance, encore un peu, et finit par le trouver. Lui, Caleb. Son frère. Cet étranger qui  anime ses  volontés et hante ses nuits. Le monstre.  Elle plonge les yeux dans les siens et, le temps de quelques secondes, elle les revoit, tous les deux, plus jeunes, plus insouciants. Seulement eux, Caleb et Astoria Westfall. Deux entités liés par un même traumatisme, plus proches que n'importe qui au monde. Avant que la réalité ne les rattrape, et que tout s'effondre. Elle aurait aimé que tout soit différent; meilleur. Mais il en avait choisi autrement. Son propre destin, sa propre mort, il les avait voulu dés l'instant où il était parti, la laissant seule, et préférant la compagnie de ses sauvages à la sienne. A la leur. Néanmoins, il n'y avait plus rien de tout cela, désormais. Seulement des étrangers, des ennemis, autant par la volonté, que par la biologie. Et c'était son rôle à elle, de l'éliminer, de l'exterminer, et de libérer la Lune de ce poids nuisible qui la rongeait. It's been a while, brother. Hope you're ready to die. Il l'implore, de cette voix qui lui hérisse le poil, et lui donne envie de le cogner, fort. Bien trop fort. Il refuse de voir en elle une meurtrière, de voir qu'elle a grandi. De comprendre. Mais elle n'est plus une enfant, et le temps des contes de fée s'en est allés, bien trop tôt. I've been waiting for too long already. Goodbye, Caleb. Alors, elle s'avance, et donne le premier assaut, dague en main, et la rage au ventre. La haine l'anime et l'aide à mieux se concentrer, et à mieux viser.  Le flanc, les hanches, les côtes. Elle ne s'arrête pas, jamais, continuant sa lutte acharnée contre son propre frère, sa propre famille. L'animal geint sous les coups qu'elle lui assène. La chasseuse ne l'écoute pas, refusant d'entendre ses gémissements, ses cris désespérés pour la faire stopper. Elle s'obstine dans ses gestes, dans sa haine  et sa violence. And then it was the end... Ce n'est plus l'homme qu'elle a en face d'elle. Mais bel et bien le loup, la bête. Elle se jette sur lui, les faisant tous deux rouler dans la terre et les feuilles. Mais elle s'en moque, tout comme elle se moque de la douleur vive à sa cheville.  Aveuglée par son devoir, sa colère, la Mort peut bien lui faire les yeux doux qu'elle n'arrêtera pas de sitôt. Astoria finit par trouver son point faible. Son coeur. Et elle n'hésite pas une seule seconde avant de pointer l'arme dans cette direction, et d'y plonger la lame avec toute la force dont elle capable. Il n'a pas résisté, et au fond, elle s'en doutait. Elle sent les forces le quitter, et elle s'agrippe à lui, une dernière fois, laissant les larmes inonder  son visage. I'm sorry. I had to. Une dernière pensée pour ce frère qu'elle a renié, qu'elle a hait de tout son coeur, pendant près d'une décennie. Le loup - Caleb, son frère - geint une dernière fois, avant d'expirer son dernier souffle, et de rejoindre l'autre-côté. Et maintenant ? Elle ne sait plus. Sa seule raison de vivre, de  survivre, n'est plus de ce monde. Un sanglot s'échappe de ses lèvres, alors qu'elle porte enfin une attention à sa cheville. Du sang en découle, et l'horreur l'envahit de nouveau. Un fléau de la part de son frère, l'énième cadeau empoisonné à jamais reçu. Il l'avait mordu. Dans sa hâte de le tuer, elle n'avait rien vu. Et maintenant, elle aussi était damnée. Damn you, Caleb ! Fermant les yeux, elle s'empara du nouveau de son arme, la  faisant lentement danser sur sa poitrine. For better, or for worse ?