Il n’y avait qu’à contempler le nombre de gens qui s’étaient déplacés pour se rendre compte du point auquel la peur avait saisi la ville. Ils n’avaient rien fait de particuliers, l’Ordre - simplement distribué quelques prospectus ici et là, fait courir l’information à travers des conversations à voix basse, ou via des messages en tout genre. Et pourtant, Azilis, quand elle entre dans le gymnase ce jour-là, elle avait l’impression que c’est Glencullen tout entier qui s’y pressait. Tous désireux d’apprendre à se défendre, dans un vain espoir de pouvoir faire le poids contre ceux qui menaçaient leur petite communauté, que tous aimaient tant. La peur de mourir, la peur de voir ses proches mourir, la peur de voir toute la ville décimée dans les flammes, les flots, les bourrasques ou les séismes. Une soirée leur avait suffit, aux nécromanciens, pour montrer l’étendue de leurs pouvoirs, pour montrer à cette portion du peuple Irlandais les dégâts qu’ils étaient capables de causer pour se trouver un sacrifice. Tous ne savaient pas qui ils étaient, mais tous avaient compris qu’ils n’étaient plus tout à fait humains. Connaître quelques mouvements utiles à l’auto-défense, quelques moyens de mettre un adversaire à terre, elle ne voulait pas les croire assez naïfs pour penser que tout cela serait utiles contre ces créatures.

Elle y était allée parce qu’elle voulait voir. Elle voulait les voir essayer et penser devenir puissants. Elle voulait les voir et se dire que ses concitoyens, ses amis pour certains, avaient assez de volonté pour en arriver jusqu’ici. Elle voulait les voir prendre conscience que c’était bel et bien d’une guerre dont il s’agissait. Mais elle ne ferait rien. Du tout. Puisque son abdomen désormais proéminent et les recommandations de son médecin l’empêchaient de faire quelque effort physique que ce soit. Elle avait insisté pour prendre le volant, au moins, pour conduire Adam et Astrée au gymnase. Ça l’avait fait sourire, Azi, de se retrouver en famille dans des circonstances pareilles. Ça lui rappelait les vacances en France tous les trois, quand Ariana et Audric n’avaient plus voulu venir. Et voilà où ils en étaient. A devoir protéger des humains contre une menace plus grande qu’ils n’auraient jamais cru en connaître. La rouquine s’était directement glissée derrière le bar dans le coin de la salle, pour laquelle elle avait ramené des litres et des litres d’eau qu’Adam avait porté pour elle, et des centaines de verres en plastique. Elle était comme ça, prévoyante. Probablement trop. Elle sortait les gobelets de leur emballage alors qu’elle regardait ceux qui s’étaient improvisés professeurs donner leurs premières consignes. Elle reconnaît des visages, certains qu’elle n’aurait jamais imaginé revoir. Elle s’était accoudée sur la surface en bois du barre, les lèvres serrées, les yeux promeneurs. Elle se sentait inutile, là, derrière sa buvette, elle qui aurait tellement aimé se dépenser un peu. Elle souriait à ceux qui passaient, répondaient aux quelques « bonjour » qu’elle recevait. Et c’était tout. Elle soupire, Azi, parce que rarement s’était-elle ennuyée autant.

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ft. humans & hunters

Adam regarde le monde qu’il y a au gymnase et serre les dents. Il est venu ici plus par culpabilité qu’autre chose, se souvenant vaguement des treize corps sacrifiés pour lui. Le cœur lourd, les yeux cernés, il n’a d’ailleurs pas énormément dormi, comme d’habitude… Le sommeil l’a fui et ne lui offre plus aucun refuge lorsqu’il vient l’envahir. Adam n’a pas assisté à la Saint-Patrick meurtrière, tout simplement parce qu’il était… Il refuse d’y penser, éloigne comme il peut les souvenirs encore frais de son retour. Les quelques conditions imposées par sa cousine et sa sœur lui impose de ne pas trop forcer, et Adam se sent frustré d’avance. Des cours de self-defense, il en donne à la fac gratuitement depuis quelques années, il sait comment faire et il sait surtout comment s’adresser aux gens. Adam est conscient que ça ne sert pas à grand-chose, mais il a toujours adoré faire ça et les deux filles qui sont venues avec lui l’en empêchent ! Il envoie un regard à Azilis, derrière son comptoir, pour lui faire comprendre qu’il va s’ennuyer s’il ne fait rien. Sa cousine le couve beaucoup trop, et bien que ça l’agace, il se laisse faire parce qu’il sait à quel point ça l’a chamboulée. Mais la pire des deux, c’est sans doute Astrée. Sa sœur, depuis qu’il est revenu à la maison familiale, l’a rarement laissé seul, toujours traînant près de lui. Il sait très bien qu’elle s’inquiète et ne le dira jamais tout haut, elle le regarde souvent avec de l’inquiétude et de l’incompréhension dans ses prunelles azurées mais n’est pas encore venue lui parler. Ils sont comme ça, Astrée et Adam, se parlent avec les yeux bien plus qu’avec les mots.

C’est comme ça qu’Adam a accepté d’être un peu mis de côté, passant simplement dans les rangs pour vérifier les positions que le professeur improvisé, un chasseur ami de son père, fait exécuter à ses élèves d’un jour. Il reconnaît une jeune femme, de dos, et s’approche d’elle avec un sourire, pour lui chuchoter : « Je ne savais pas que tu avais besoin de ce genre de cours, toi. » Leanna et lui se connaissaient depuis qu’ils étaient adolescents, et se sont souvent confrontés lors des tournois organisés entre les jeunes chasseurs de la région. Elle avait quasiment toujours réussi à le battre, à l’époque, et ils avaient gardé depuis une rivalité amicale. S’il continue de sourire, Adam sait aussi que ses traits trop tirés et fatigués n’inspirent rien de positif aux personnes autour de lui.

AVENGEDINCHAINS