Caleb… Mais où est-ce que t’es passé, bon sang ? Il m’a laissée hier, en début d’après-midi avec Lysander, son fils. Rien de bien nouveau puisqu’une confiance s’était installée entre nous, on s’était rapproché… on se connaissait bien donc il me laissait chez lui pour m’occuper de la maison et de son fils pendant qu’il n’était pas là. C’est pas comme si j’avais grand-chose à faire, de toute façon… mais là, je commence à m’inquiéter. Oui, ça arrive, parfois il peut rentrer dans la nuit ou très tôt le matin. Mais là, il est dix heures du matin… et il est pas là. J’ai beau essayer de me dire qu’il va bien, que tout va bien… j’y crois pas trop. Ça me fait même peur, en fait. S’il n’allait pas bien avant de partir hier, il me l’aurait dit, non… ? Est-ce qu’il fuirait quelque chose ? Est-ce qu’il ne voudrait plus me voir ? Un tas d’idées se bousculaient dans ma tête, quel bordel... C’est donc après m’être réveillée à neuf heures et demi du matin que j’ai fait le tour de la maison en disant son nom… et rien. Il n’était pas rentré, et c’était loin d’être normal.

Je me suis habillée puis j’ai attendu que Lysander se réveille pour le faire déjeuner.
Il a pris une douche puis je l’ai habillé pour qu’on aille chez sa tante, Iseult. On se connaîssait pas trop, mais Caleb m’avait parlé brièvement d’elle. On s’était même vues quelques fois mais sans plus. J’étais paniquée, déboussolée… mais j’essayais de ne pas le montrer à Lysander qui ne comprenait pas vraiment ce qu’on faisait dans les rues de Glencullen à cette heure-ci. J’avais veillé à ce qu’il n’attrape pas froid.

Je marchais donc en direction de chez la jeune femme blonde, le gamin dans les bras. Je tournais la tête dans tous les sens, dans l’espoir d’apercevoir le loup… mais rien. Mais où est-ce qu’il était passé, bordel ? Peut-être que ce n’était rien de grave. Peut-être qu’il s’était saoûlé et qu’il avait préféré ne pas rentrer. Ou peut-être que c’était quelque chose de pire… mais j’essayais de ne pas y penser. Son absence me foutait les jetons. Qu’est-ce que j’étais censée faire sans lui, moi, hein ? Bah j’en sais rien, puisqu’il ne s’est jamais absenté autant de temps.
J’arrivais devant la maison de la jeune femme après un quart d’heure de marche. Je détaillais la maison du regard et espérait de tout mon cœur qu’elle soit présente. Je fis ressentir la sonnette de la porte puis j’attendis quelques secondes qu’on vienne m’ouvrir. Ouf. « Bonjour… Je… Caleb est pas rentré, il est parti hier en début d’après-midi… Je sais pas où il est. Je m’inquiète et j’ai peur qu’il lui soit arrivé quelque chose… », j’avais franchement l’air bête. Toute rouge, cet air inquiet sur mon visage… Mais j’étais perdue, je savais pas quoi faire.

La Saint Patrick avait été un bain de sang. Glencullen baignait dans une atmosphère pesante, étouffante et silencieuse. Et malgré le climat de terreur qui régnait sur la ville, tu te considérais comme chanceuse  d'en être sortir indemne Plus encore, tu remerciais la lune et la ciel d'avoir épargné celui que tu chérissais par dessus les astres. Tu ne portais que quelques séquelles de cette atrocité, quelques égratignure lacéraient ton corps sans t'extirper la moindre douleur. Il en valait de même pour Leith. C'était tout ce qui comptait. Tout ce qui comptait réellement. Ce matin là, tu l'avais regardé dormir, silencieuse, tu t'étais abandonné à la contemplation, sachant pertinemment que tu aurais pu le perdre. L'ombre de ses créatures planait au dessus de votre bonheur... ou du moins ce qui s'en rapprochait. Vous veniez tout juste de vous retrouver. Vous appreniez tout juste à revivre ensemble, sans se laisser bouffer par vos craintes et vos peurs les plus profondes. Cette menace était suffisament sérieuse pour venir obscurcir vos perspectives d'avenir. Tu pinçais les lèvres, toisant la silhouette endormie de ta tendre amitié. Un coup de sonnette t'arracha à ta contemplation. La nuit avait été longue et le sommeil avait été difficile à trouvé, hanté par les cris de terreur qui avaient ampli les rues de la ville quelques heures auparavant. Vous aviez été pris au piège, comme des bête en cage. Tu quittais le confort de ce lit, arraché à cette sphère, ce cocon dans lequel tu serais bien restée encore un peu. Tu enfilais un gilet long par dessus ce qui s'apparentait à un pyjama, traversant la maison plongée dans le calme et le silence. Le cliquetis de la clé dans la serrure. Le grincement de la porte qui s'ouvre la silhouette fébrile de Lulla apparaît dans l'embrasure de la porte, tenant maladroitement le corps de Lys.Bonjour… Je… Caleb est pas rentré, il est parti hier en début d’après-midi… Je sais pas où il est. Je m’inquiète et j’ai peur qu’il lui soit arrivé quelque chose… Son visage est marquée par la peur, la terreur et la fatigue. Tu ouvres la porte un peu plus, la soulageant du poids de Lys. Tu portes le bambin contre toi, le berçant doucement alors que tu viens poser un baiser contre sa tempe. Entres. Tu essayes de ne pas montrer ton trouble et ton inquiétude. Tu ne sais pas si elle est au courant des événements qui ont bouleversé la ville. Tu souris à l'adolescente, passant une main par dessus son épaule pour l'emporter dans la cuisine, Lys toujours dans tes bras. Je vais vous préparer un bon déjeuner... Et après je passerais quelques coups de fil. Mais en attendant vous allez rester avec nous. Nous. Leith et toi. Evidemment. Tu ne lui demande pas, tu sais pertinemment qu'il ne laisserait pas les deux mômes livrés à eux même. T'installes Lysander et tu tires une chaise pour que la jeune fille en fasse de même. Tu sauvegardes ce calme apparent que tes souvenirs s'agitent, les images défilent dans ta mémoire, recherchant la présence de Caleb lors des festivité. Tu ne te souviens pas l'avoir vu... Mais est-ce que cela signifie pour autant qu'il était absent? Tu n'en as pas la moindre idée. Tu ne veux pas les inquiéter, alors tu souris à nouveau. Pancakes, oeufs et bacon, ça vous va? Je pense même que j'ai du jus d'orange. Quand tu étais môme et que ta mère disjonctait, tu te réfugiais dans des recettes culinaires plus ou moins caloriques. La nourriture comme échappatoire aux désastres. Ça avait toujours fonctionné avec toi, alors peut-être que cela fonctionnerait avec eux... ou du moins avec Lys.. Lulla n'était plus une gamine, elle comprenait bien plus de chose que tu ne le voudrais. Caleb t'a dis où il allait?