Le réveil avait été brutal, j’étais simplement une cruche, appart moi qui oublie de mettre le réveil le premier jour de la reprise du semestre ? Personne. Comme d’habitude j’allais passer pour l’élève pas sérieuse … Non pas que je sois hyper sérieuse mais tout de même. Après une rapide excursion par la case salle de bain, mettre sécher les cheveux passer un coup de mascara et de rouge à lèvre, enfiler les premiers vêtements qui me tombaient en main j’enfourchais mes deux roues et m’en aller alors en direction de Dublin, retrouvant une routine que j’avais abandonné il y a un an pour de nouvelle horizon. Trouver une place ne fut pas difficile, pas grand monte utiliser l’espace réserver au scooter ici, soit tout le monde venait à pied, en bus et rare ceux qui venaient en voiture. Je regardais rapidement ma montre il était alors 8h30, ah bah bravo, 30 minutes de retard à mon cours d’économie, super l’entrée fracassante en plein monologue du professeur. Je soupirais, de toute façon, je n’avais pas le choix je me dirigeais alors vers ma salle le plus rapidement possible, il ne fallait pas que je perde une minute de plus. Pas le temps pour dire bonjour aux personnes que je connaissais, rien nada.

Bien évidemment, mon arrivé ne se fit pas sans une masse de regard vers ma personne et le professeur se fit une joie de faire remarquer mon retard, je n’eus même pas la chance de choisir une place qui me plaisait dans la salle, je me retrouvais tout devant, limite coller au bureau du professeur. Je sortais silencieusement mon ordinateur est demandé gentiment à la personne assise à côté de moi si elle voulait bien me passer le début du cours, la personne souffla et tourna son ordinateur vers ma personne. Les gens à la fac sont des vrais rats, cette ambiance à la con ne m’avait pas manqué. Je notais rapidement sur mon ordinateur les quelques phrases et je me concentrais sur les paroles du professeur. J’adorais les cours de droit, vraiment, même si le professeur était barbant, ce qu’il disait me travailler. J’étais tellement concentré sur ses paroles que je ne m’étais même pas rendue compte que les 2 heures de cours étaient passé. Je me levais alors au rythme des autres et ranger mes affaires.

Une foi sortie de la salle, je jetais un coup d’œil à mon emploi du temps, j’avais 2 heures libre et après un cours d’une heure d’économie, je prenais alors mon temps pour aller me chercher un café ainsi qu’une viennoiserie à la cafeteria. J’avais l’estomac dans les talons, dans ma course folle ce matin j’en avais oublié d’avaler quelque chose avant de partir. Une foi mon café et ma brioche en main, je me dirigeais vers mon sanctuaire de paix sur le campus, la bibliothèque. Là-bas, personne venait me parler, les lieux étaient souvent déserts, peu de personne mise appart les vrais rats de bibliothèque venait ici, c’était mon lieu de repos personnellement, lorsque je n’avais rien à faire et que j’en avais le temps, je venais ici et prenais un livre. Je faisais un signe poli à la bibliothécaire en rentrant, je lui montrais ma carte étudiante et allait m’installer à une table cacher entre deux grandes étagères remplis de livre. Je buvais alors une gorgée de ma boisson chaude et arracher un petit morceau de ma viennoiserie, se fut avec stupéfaction que je vis quelqu’un tirer la chaise face à la mienne, visiblement un corps d’homme, je relevais donc le visage pour voir qui avait l’audace de venir s’assoir à côté de moi avec toutes les places libres ici, j’en restais bouche bée, Teddy Lewis avait le toupet de se pointer sous mes yeux, le sourire aux lèvres. « Ne te gêne surtout pas .... » Lui lâchais-je avec mon plus beau sourire hypocrite en stock.

L'université de Dublin. Voilà un moment que je n'avais pas été aussi loin de Glencullen, et encore plus longtemps que je n'avais pas mit les pieds dans cette fac là. J'aurais très bien pu étudier à Dublin, évidemment, mais il aurait impossible pour moi de faire l'aller-retour tous les soirs comme je le fais actuellement. Et puis, il faut bien l'avouer, les grandes villes, ce n'est pas vraiment mon truc, ni celui d'aucun autre chasseur dont l'arme principale est l'arc en fait. Se balader avec un poignard ou un revolver, passe encore, mais avec un arc et un carquois, j'aurais vite fait de me faire arrêter par les flics, ou pire, dévorer par des loups qui auraient repéré un attirail trop peu adapté à la ville.

Pourtant, il faut bien admettre que Dublin n'a pas que des mauvais côté : c'est une ville qui n'est pas trop dangereuse, quand on compare avec les autres capitales du monde évidemment, et qui est assez intéressante culturellement. Mais c'est surtout la bibliothèque de l'université qui m'intéresse. En tant qu'étudiant à Dun Laoghaire, j'ai le droit de rentrer dedans, grâce à un partenariat pour encourager les jeunes à "étendre leurs horizons"... Tu ne devrais pas te moquer Teddy, parce que t'es bien content de pouvoir profiter des manuels qu'en t'es en rade avec ceux de ta propre fac. Je sais, je sais. C'est d'ailleurs pour ça que je suis là aujourd'hui, parce que ma dissertation ne va pas se faire toute seule, et que sans source pour appuyer mes arguments, ça va être difficile d'avoir une note convenable.

Je rentre dans la bibliothèque, me préparant pour une bataille entre les étagères pour trouver ce qu'il me faut quand je repère une tête familière  qui me fait stopper net dans mon élan. Cette fille, qui mange tranquillement sa brioche, cachée entre deux étagères... Cette blonde sulfureuse qui ne se doute probablement pas qu'elle me reverrait un jour... Eva. Eva, c'est cette fille avec laquelle je suis sorti il y a un petit moment, et avec qui j'ai eu une rupture assez disons... Mouvementée. J'aimais vraiment beaucoup cette fille, même maintenant après la fin de notre relation, et si elle n'avait pas déménagé, je pense que j'aurais essayé de rester proche d'elle.

Oubliant ma quête pour le savoir, je me dirige vers elle, une idée bien arrêtée en tête, et m'assoies à sa table sans lui demander sa permission. Sa réaction ne se fait pas tarder et comme je m'y attendais, elle n'a pas perdu de son piquant. Si ça avait été n'importe qui d'autre je me serais peut-être vexé, ou énervé, ou j'aurais peut-être même tout simplement rebroussé chemin. Mais pas avec Eva, parce qu'on a toujours fonctionné comme ça : je t'aime, moi non plus. Et puis, je ne devrais peut-être pas penser ça, mais elle et ses piques m'avaient manquées.

"Bonjour à toi aussi, Eva, ravi de te revoir." Je hausse un sourcil et adopte un air nonchalant. Ce serait trop bête qu'elle comprenne que je viens en ami tout de suite, et c'est beaucoup plus marrant de la tester un peu avant. "Alors, qu'est ce que tu fais là ? Je ne me serais pas attendu à te trouver au milieu d'une bibliothèque, surtout aussi près de Glencullen... Tu reviens parce que je t'ai manqué ?"

Attention, Teddy, ne pousse pas trop loin...

Pourquoi était-il là ? Ce mec ne traînait jamais ici, je suis sûre qu’on pouvait compter sur les doigts d’une main le nombre de foi qu’il était venu à la bibliothèque et juste le jour où je me pointe ici lui est aussi ici. Le sourire toujours crispé au bout des lèvres je posais délicatement ma brioche sur son sachet. Je croisais alors mes bras sur le bureau et l’observait de mon œil critique. Il n’avait pas changé, du moins… Pas tellement depuis que j’étais parti l’année dernière, peut-être bien sa coupe de cheveux avait changée… Un peu plus long qu’avant peut-être ? Sinon, non, rien n’avait changé. Il avait toujours ce sourire dragueur en coin ainsi que cet air nonchalant, comme si il en avait strictement rien à faire de tout… Teddy Lewis était et restera toujours le même envers et contre tous. C’était surement ça qui m’avait plus chez lui, cet air mystérieux qu’il cultivait autour de lui.

Il est vrai que la rupture avec Teddy m’avait un peu… Je dis bien, un peu poussé à partir de Glencullen, ouais… j’étais ce genre de fille, à peine m’étais-je attacher à lui que tout espoir de le voir s’attacher à moi s’était envolé en fumer… Même si au plus profond de moi je savais d’avance que cette histoire était une cause perdue, j’avais foncé tête baissé et bien évidemment celle qui s’était explosé contre un mur de brique, s’était moi. J’avais mal digéré cette rupture. Il m’aimait bien certes, mais pas autant que je l’aurais souhaité. Nous avions donc mis fin à cette relation et j’étais à Londres un mois après. La grande ville m’avait fait un bien fou, j’avais oublié cette histoire, je l’avais mise loin de moi, tellement loin que je ne m’étais pas dit qu’il était fort probable que je retombe sur lui ici. La tête bien trop dans les nuages et le regard fixé sur mon interlocuteur je me reconcentrais alors sur ses paroles.

Ah, voilà une chose qui me déplaisait fortement chez lui depuis notre rupture, sa voix, elle ne m’avait pas manqué…. Le ton de sa voix m’iriser le poil, il fallait toujours qu’il me pousse dans mes retranchements, c’est le sourire crispée aux lèvres et d’un ton ironique que lui disais. « Mais oui Teddy, c’est pour toi que je suis là bien sûre… Si tu savais comme tu m’as manqué… » Je levais les yeux aux ciel et attrapais ma brioche pour en couper un petit morceau et me le fourrer dans la bouche. « Et toi que fais-tu ici ? à la bibliothèque… ? Ce n’est pas ton lieu de prédilection d’habitude… » Puisqu’il voulait me taquiner, j’allais m’y mettre aussi, et nous étions tous les deux d’accord sur le fait que je pouvais être bien pire que lui à ce jeu-là. « Tu ne me suivrais pas par hasard … ? » J’approchais alors doucement mon visage vers le sien, je m’étais ma main contre ma joue, comme-ci des personnes mal attentionnée n'écouterait pas notre conversation grâce à ce geste et chuchotais « Tu sais… Je te n’en voudrais pas si tu me suis… Comment m’oublier après tout ? » Je me reculais et lui adressais un clin d’œil, j’étais fière de moi j’avoue. Je le sentais désarçonnais par mes paroles, je savais qu’il allait essayait de faire encore plus fort que moi mais en attendant gentiment je poussais le sachet et la brioche vers lui « vas-y sers-toi, pendant un temps on a partagé le même lit… On est plus à ça près hein ! » J’étouffais un rire et me levait en direction des longs couloir et étagères remplis de livre, je déambulais et fouillait les étagères à la conquête du livre que je cherchais, en espérant de tout cœur que Teddy soit parti quand je retournerais à ma place.

Ma relation avec Eva a beau avoir été relativement courte, j'ai tout de même eu le temps de comprendre plus ou moins comment elle réagit dans diverses situations. Je sais, par exemple, que si elle se faisait abordé par un ex d'une manière totalement imprévue au beau milieu d'une bibliothèque, le jeune homme aurait une chance sur deux de s'en sortir : soit elle serait contente de le revoir et se laisserait emporter dans son jeu, soit elle serait d'humeur absolument massacrante et tenterait de le faire fuir. Et aujourd'hui, il semblerait que la deuxième option soit de mise. Oh bien sûr, je ne m'attendais certainement pas à un accueil en fanfare et à des embrassades, mais je n'avais pas prévu qu'elle soit si distante.

Pourtant, même en ce moment-là, avec ses réponses acerbes et sa mise en scène théâtrale qui va avec, je sens ce que j'ai toujours aimé chez elle : cette étincelle d'espièglerie qui fait qu'on ne s'ennuie jamais, cette répartie mordante qui mettait du piment dans toutes nos discussions. Pendant un instant, je suis désemparé par les remarques qu'elle me fait, le poids des mots qu'elle utilise, surtout l'allusion que je crois décerné à propos des nuits que nous avons passé ensemble. Mais mon envie de faire revivre nos joutes amicales, de renouer avec elle cette relation de chien et chat qui s'aiment tout en se lançant des piques l'emporte sur ma fierté vexée, et je décide que si elle peut être théâtrale, je peux en faire tout autant, parce que je ne peux pas la laisser partir si facilement quand je sais qu'elle n'est pas réellement énervée pour l'instant.

Je me saisis de la brioche qu'elle a laissé sur la table, repère l'allée dans laquelle elle se trouve et m'engage dans celle juste en face. Je m'appuie sur une des étagères, prenant soin d'être pile en face d'elle et prend une énorme bouchée en la fixant des yeux, en mangeant lentement, pour faire durer le plaisir. Je la suis lorsqu'elle bouge et m'empare du livre qu'elle s'apprêtait à prendre à travers l'étagère pour la forcer à me regarder. "Tu sais, je connais bien cette bibliothèque, ça t'étonnera peut-être mais je ne suis pas si inculte que tu pourrais le croire..." J'attrape un livre de mon côté de l'étagère intitulé Le principe ex injuria jus non oritur en droit international et lui tend pour signifier qu'elle devrait y jeter un oeil. "Et je ne vois pas en quoi ne pas t'oublier est un problème. Je sais qu'on a eu des hauts et des bas, mais on s'amusait bien tous les deux, tu ne pourras pas le nier. Alors, quand je t'ai aperçu tout à l'heure je me suis dit que ce serait bête de manquer ma chance et de passer à côté d'une possible amitié avec quelqu'un comme toi. Je pense qu'on pourrait bien s'entendre, après tout il y a bien quelque chose chez moi qui devait te plaire, je me trompe ?"

Je sais que vu de l'extérieur, avec mon sourire de tombeur stéréotypé et la façon de laquelle je me comporte, on pourrait croire que je ne suis là que pour l'irriter, mais je pense vraiment ce que je dis : avoir Eva comme amie est vraiment une chose dont j'ai envie, parce qu'elle me manque, des fois, bizarrement...