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the stars, the moon
they have all been blown out

Elle grimace, une énième fois, alors qu’elle pose le pied sur le sol. Ils viennent à peine de lui enlever son plâtre, et elle essaie de se réhabituer à sa fine jambe, à la façon dont elle a toujours marché. Elle réussit désormais à ne plus s’appuyer sur son pied de lit, en fer blanc, et peut parcourir sa chambre dans toute sa longueur, encore et encore. Elle veut s’habituer à la douleur pour ne plus la sentir, comme on le lui avait appris. Elle serre les lèvres, ferme les yeux, étouffe le bruit de ses efforts en les gardant coincés à l’intérieur de ses poumons. Et elle avance, tente de ne penser qu’à ça. Tente d’oublier la précédente pleine lune lors de laquelle elle est sortie. Tente de reléguer le souvenir de sa cousine loin derrière elle.

Elle tourne vivement la tête lorsqu’elle entend la poignée de sa porte tourner et les gonds grincer. Le visage et la silhouette du plus jeunes de ses frères apparaît, et elle ne peut s’empêcher de plaquer un large sourire sur ses lèvres. Elle aimait bien, quand Audric rentrait à l’improviste, comme ça. Il choisissait toujours les bons moments. Quand elle sent qu’elle va s’effondrer, quand elle commence à ne plus supporter le vide autour d’elle, quand elle sait que les larmes vont bientôt se mettre à couler. Vingt-quatre ans qu’elle est sur terre, et vingt-quatre ans qu’Audric est à ses côtés. Pilier dont elle ne peut plus se passer, pupilles claires qu’elle assimile inconsciemment à un refuge, à un endroit où se reposer. Elle fronce les sourcils, intriguée, et se retourne pour lui faire complètement face. Elle se tient debout sur ses deux jambes, et se concentre assez fort pour reléguer la douleur loin, très loin. « C’est pas le truc le plus rassurant que tu m’aies dit, mais je t’en prie, frère, demande. » Le sourire de la rousse s’élargit de quelques infimes millimètres quand les pas du chasseur le font se rapprocher d’elle, et elle va poser sa main dans son dos, sans s’en rendre compte, afin de joindre les deux Harkwood dans une étreinte presque invisible. Etreinte qu’elle se pressera de défaire quand les prochains mots atteignent ses oreilles. Elle manque même de perdre l’équilibre, et hésite à reculer d’un pas. Chasser. Ce pourquoi elle était venue au monde, ce pourquoi on l’avait élevée et entraîner. Ce qui avait précipité Ariana vers la mort, ce qui hantait ses nuits.

Ils en avaient partagées, des choses, Audric et Azilis. Mais jamais ils n’avaient chassé l’un à côté de l’autre. Même si tout cela était une histoire de famille, eux préféraient laisser tout ceci hors du lien solide qui les nouait. Alors, si aujourd’hui il lui proposait de l’accompagner, c’était qu’il avait quelque chose derrière la tête – et elle savait très bien de quoi il s’agissait. Elle le voyait dans ses yeux, sur ses traits, dans les gestes qu’il lui portait. Grand frère, il s’assurait que l’enfant aille bien, que rien ne lui arrivait de grave. Elle a soupiré. Avant d’opiner du chef. Le changement a du bon. De toute manières, qu’elle accepte la proposition de son frère ou pas, il lui impossible de nier que tout a changé. Alaric, et maintenant Ariana… Avec ces deux âmes loin des leurs, plus rien ne serait jamais pareil. « T’attends quoi pour aller te changer, alors ? » Il sait que cette pique n’en est pas vraiment une ; que son ton sec n’est rien comparé au large sourire qu’elle lui adresse. Il s’approche encore un peu plus, et elle sourit, une fois encore, alors que les lèvres d’Audric se posent sur son front. La main de la jeune femme effleure rapidement son épaule alors qu’il tourne les talons, et elle acquiesce encore quand il annonce l’attendre en bas. Son sourire lui met du baume au cœur.

Elle peine à revêtir son pantalon noir, serré, presque trop pour y passer sa jambe encore un peu malade. Mais son pull et sa veste en cuir, elle ne prend que quelques secondes pour le passer sur son dos. Elle descend les grands escaliers de la maison des Harkwood, où le reste de sa famille commence à s’agglutiner. Elle croise le regard de ses frères, de son oncle, cherche ses cousins, avant de les trouver tous les deux dans la réserve, au sous-sol. Une fois ses sabres droits croisés dans son dos, ses couteaux de lancer à sa ceinture, aux côtés de son poignard, elle ressort, et vint se poster entre ses deux frères. Elle lève les yeux vers Audric quand tous se mettent à sortir, ne quitte pas le plus jeunes des deux jeunes hommes d’une semelle et se retrouve installée à ses côtés, le coude posé contre le rebord de la fenêtre, les yeux perdus dehors. La seule présence d’Audric à sa droite l’apaise. Il avait toujours eu ce pouvoir, comme une aura assez puissante pour taire ses démons. Elle tourne la tête vers lui, qui a gardé ses iris rivées sur la route devant lui. Le plan. Le même que d’habitude. Le même qu’avec Ariana. Elle souffle un « oui » presque inaudible alors que les souvenirs, qu’elle ne voit pas encore apparaître, lui tordent le ventre.

Bientôt, ils atteignent la lisière des bois, et ils sortent du véhicule en presque synchronisation. Les groups se séparent, et cette fois, c’est Azilis qui mène la marche, son aîné sur ses talons. Elle se sent légère, malgré les armes qui lui pèsent et les remords qui l’accablent. C’est sa première chasse depuis la morsure de sa cousine. Elle n’a aucune idée de ce qu’il va se passer, et elle sait que son frère sera là. Mais elle ne peut pas empêcher son inconscient de délirer. Ils progressent, sans bruit mais rapidement, jusqu’à gagner l’endroit qu’Aaron leur avait assigné plus tôt dans la soirée. Ils s’installent dans un coin où ils pourront voir sans être vus. Elle resserre sa queue de cheval et tend la main vers son frère, attendant qu’il lui glisse deux fioles d’hormones pour les faire rouler entre ses doigts – et plonger ses yeux dans les siens. « J’y vais ? » Elle pince les lèvres alors qu’il hoche la tête, souffle un grand coup, s’accroupit pour avoir plus d’équilibre et de puissance – et, après les avoir désamorcées, comme on le ferait avec des grenades, elle les jette, aussi loin qu’elle peut. Elles explosent contre le tronc d’un arbre, faisant virevolter quelques bouts de verre. C’était trop tard. Ils allaient venir. Et les deux pauvres humains qu’ils étaient allaient devoir en découdre.