une excellente idée t'est venue en tête, un peu plus tôt. t'en as souvent, des idées brillantes. et t'as beau finir dans des situations cocasses la plupart du temps, ça ne t'empêche pas de les trouver merveilleuses. comme cette fois où t'as fini au commissariat après avoir volé la casquette d'un agent. dans la version officielle, du moins. bien sûr que tu comptais lui rendre. vraiment aucun humour, mais quel bon souvenir t'en gardes. cette fois, c'est un tout autre genre d'idée. pas aussi amusant, il faut l'avouer. peut-être que t'aurais dû concocter quelque chose comme ça, histoire de te changer les idées. ça t'aurait surement évité de tourner en rond toute la journée. et qui dit tourner en rond, dit penser. ton esprit finira par te tuer, un jour ou l'autre. t'en es persuadée. en attendant, il te torture. encore. dans ces moments là, il n'y a pas grand chose que tu puisses faire, à part attendre que ça passe.
c'est le moment. tu ne sais pas vraiment ce que t'attendais, mais tu te décides enfin à bouger. après avoir fermé la porte de ton appartement, tu descends les escaliers. quatre étages. tu ne prends pas l'ascenseur, jamais. même avec les bras surchargés de courses, tu te tapes les nombreuses marches qui te séparent de ton chez toi. tu ne saurais expliquer pourquoi. une fois en bas, tu t'extirpes hors de l'immeuble. tu refermes ton manteau, sentant déjà le froid se glisser sous tes vêtements. tu préfères le laisser ouvert, mais le temps ne te le permet pas. surtout que t'es à pied, étant donné que tu ne possèdes pas de voiture. ça te serait bien utile, pourtant, mais tu n'es pas décidée à t'en acheter une. tu ne le seras probablement jamais. tu préfères largement emprunter celle des autres. sur le chemin, tu prends soin de noter tout ce que tu peux voir. t'es du genre à penser que chaque détail compte.
plus que quelques pas à peine te séparent maintenant de ta destination. l'hôpital. tu sors alors ton téléphone et composes le numéro des urgences. leur ligne direct, que tu connais par coeur. tu ne sais même plus comment tu l'ai procuré. surement en magouillant, pour changer. une personne décroche, une femme. tu déballes alors ton spitch avec une facilité déconcertante. c'est la seule chose que tu n'as pas préparé, mais t'étais confiante à ce sujet. tu n'es jamais aussi douée qu'en improvisant. ils envoient une ambulance, comme prévu. tu te faufiles alors à l'intérieur de celle-ci, au volant. tu rouvres ton manteau et prends la liberté de mettre un peu de chauffage, en attendant l'ambulancier de garde qui ne devrait maintenant plus tarder à arriver.

Depuis quelques minutes, Nolan est installé dans la salle de repos. Il a commencé sa garde depuis quelques heures déjà, et il a fait des aller-retour dans Glencullen et ses environs. Parfois, ça le fatigue. Il adore son métier, mais les patients ne sont pas tous des cadeaux. Et parfois, il se déplace pour rien. Ça arrive aussi, et ça l'agace. Alors lorsqu'il peut se poser un peu, il le fait, il en profite. Seulement aujourd'hui, on ne semble pas prêt à le laisser en paix. Son biper sonne dans sa poche, alors qu'il vient de fermer les yeux. Nolan pousse un long soupir, avant de se lever et de presser le pas jusqu'à la sortie. Dans son métier, il doit se dépêcher, tout le temps. Tout est fait dans la hâte, mais il n'a pas le droit à l'erreur. Parce que c'est lui qui assure la liaison entre le blessé et les médecins. Si lui merde, c'est toute la chaîne qui se casse la gueule. Depuis le temps, il s'en est rendu compte. Il a pris de l'expérience, il sait ce qu'il fait et il est même doué. Mais aujourd'hui, il manque de motivation. Il n'a pas le droit, à vrai dire. Il est supposé être toujours à fond, mais lui sait que ça n'est pas le cas. Il a passé une mauvaise nuit, il a peu dormi. Et il sait très bien pourquoi. C'est bientôt l'anniversaire de sa sœur. Ou du moins, ça l'aurait été, si elle était toujours en vie. Et chaque année, ça lui fait bizarre. Elle aurait eu vingt-huit ans, cette année. Cet anniversaire, il est d'autant plus symbolique. Parce que ça signifie que ça fait bientôt dix ans qu'elle a disparu. Dix ans que sa vie a complètement changé. Et tout ça, en une nuit.
Il passe devant l'accueil, et la jeune femme l'informe de l'endroit où il doit se rendre, ainsi que du patient. Il hoche la tête et ne perd pas plus de temps avant de sortir de l'hôpital. Le vent lui mord le visage, alors il presse le pas. il va pour s'installer derrière le volant, ouvre la portière, et s'arrête net lorsqu'il découvre quelqu'un déjà installé à sa place. Un instant il hésite, mais lorsqu'elle se tourne vers lui et qu'il voit clairement son visage, il n'a plus aucuns doutes. Nerys. Nolan fronce les sourcils, il sent la colère monter. Mais qu'est-ce qu'elle fout là, alors qu'il doit se rendre quelque part. « I don't think you're allowed to be here. » Il la fixe pendant quelques secondes. Il a pas l'habitude, Nolan, que quelqu'un montre autant de résistance. D'habitude, les personnes à qui il arrête de parler, essaye de le joindre quelques fois, mais après plusieurs échecs, elles arrêtent. Mais pas Nerys. A vrai dire, s'il laisse toutes ces personnes, ça n'est même pas volontaire. Il cesse juste de penser à elles, une fois qu'il a obtenu leur attention. Involontairement, il passe à quelqu'un d'autre, et voilà. Il a besoin de ça, besoin que tout le monde sache qu'il existe, et que tout le monde s'intéresse à lui. D'une certaine façon, ça lui plait de se dire qu'il a pu faire partie de la vie de tant de personnes. « And, I have an emergency. So please, get out. »

quelques minutes seulement ne s'écoulent entre le moment où tu raccroches ton téléphone et celui où l'ambulancier pointe le bout de son nez. tu savais qu'il serait réactif. il est obligé, dans son métier. tu te regardes dans le rétroviseur intérieur tout en passant un doigt sur ta lèvre inférieure - comme pour estomper un rouge à lèvre que tu n'as pas - lorsqu'il ouvre la portière. simplement histoire de pousser un peu plus dans la mise en scène. tu te tournes doucement vers le jeune homme avec un sourire arpentant ton visage. hello handsome. nolan. ça fait bien des semaines que tu ne l'as pas vu. depuis qu'il a tout simplement arrêté de te parler, puis de répondre à tes messages et coups de téléphone. t'as beau lui avoir laissé des tonnes de messages vocaux, il n'a jamais daigné retourner un seul de tes appels. tu sais bien ce que ça signifie, que tu ne l'intéresses pas, tout simplement. que ce que vous partagiez - c'est à dire pas grand chose, en soit - est désormais terminé. comme ça. comme des centaines d'autres personnes qui cessent de se parler du jour au lendemain. i don't think you're allowed to be here. le charmant nolan que t'as connu semble à des années lumières. pourtant, c'est bien le même homme, face à toi. toujours aussi beau que dans tes souvenirs. même plus encore. tu te demandes si c'est possible, si tu ne rêves pas. t'as toujours entendu dire qu'on avait tendance à embellir les personnes dans nos souvenirs. d'autant plus que vous n'en avez pas énormément, vous. ou peut-être est-ce justement pour cette raison. i'm actually doing just fine, thank you for asking, dis-tu d'un air faussement enjoué, avant de poursuivre ton petit cinéma. you're right, it's been awhile. did you miss me? tu connais déjà la réponse. réponse que tu ne veux pas entendre, mais les mots sont sortis tout seuls. si tu lui avais manqué, il aurait appelé. t'es bien placée pour le savoir, puisque t'attendais désespérément un signe de vie. et surtout, tu ne serais pas là. tu n'aurais pas manigancé tout un stratagème pour pouvoir le voir, ne serait-ce qu'un instant. tu n'es pas dupe, tu sais que cet échange ne finira pas bien. et que tu repartiras surement blessée. mais c'est plus fort que toi. maintenant que t'es lancée, tu ne peux pas simplement faire demi-tour. and, i have an emergency. so please, get out. tes lèvres s'écartent en un fier sourire. un sourire un peu moqueur, quand t'y penses. seulement, tu ne peux le contrôler. ce qui n'arrange pas forcément les choses. tu pensais qu'il aurait compris, mais après tout, il ne te connait pas. il n'a pas voulu prendre cette peine. cette simple pensée aurait pu te faire perdre ton sourire, mais tu décides de passer outre. i am the emergency, commences-tu, d'une voix douce. since you're obviously so busy with your work and stuff, i've been dying to hear from you. and you're not supposed to let people die in your job, are you?

C'est plus fort que lui. Même lorsqu'il essaye de garder contact, il n'y arrive pas. Ça finit toujours de la même façon, malgré tous ses efforts. Alors il a arrêté d'essayer et il fait ce qu'il sait mieux le faire : faire le mort. Nolan, c'est un lâche, d'une certaine façon. Parce qu'il préfère faire ça, plutôt que d'expliquer aux personnes qu'il délaisse pourquoi il le fait. Et à vrai dire, il ne pourrait pas dire si c'est plus par peur de faire face à l'autre, ou parce qu'il ne saurait pas justifier ses actions. Il sait qu'il a un problème avec les relations humaines, mais il évite de trop y penser. Parce que ça le fait déprimer et surtout qu'il n'est pas prêt à changer. Parce que quand il fait ça, qu'il fait de nouvelles rencontres, que les gens s'attachent à lui et l'apprécient, c'est le seul moment où il a l'impression d'avoir de l'importance. Et ça bien sûr, il ne se l'avoue pas à lui-même non plus. Parce que sinon ça serait beaucoup trop simple, s'il réussissait de lui-même à mettre le doigt sur le problème. « I'm actually doing just fine, thank you for asking. You're right, it's been awhile. Did you miss me ? » Nolan lève les yeux au ciel, clairement agacé par sa réponse. Cette femme, il ne la connait pas si bien que ça. Ils ont passé un peu de temps ensemble, mais ça n'est jamais allé plus loin qu'un flirt. Il s'est détaché assez rapidement d'elle, peut-être parce qu'il avait l'impression d'avoir déjà gagné son affection au bout de si peu de temps. Il n'y avait plus de challenge donc, plus rien à obtenir de cette relation. Parce qu'au final, c'était bien tout ce qu'il recherchait, le jeune homme. Les relations, il ne les envisageait jamais pour plus que ça. Il n'imaginait jamais un futur avec l'autre personne. Non, il s'agissait juste de se faire apprécier, rien de plus. Complètement futile et irrationnel. Et c'est bien dommage, parce que Nerys, c'est une très jolie femme. Il l'a tout de suite remarqué, la première fois qu'il l'a vu. Elle dégage une certaine douceur, qui est également inscrite sur son visage, qui s'illumine à chaque sourire qu'elle accorde au monde. « I am the emergency. Since you're obviously so busy with your work and stuff, I've been dying to hear from you. And you're not supposed to let people die in your job, are you ? » A ce moment précis, Nolan la regarde, incrédule. Il comprend alors que c'est elle qui l'a appelé, ou plutôt qui a joint les urgences de l'hôpital. Et ça le sidère, parce que qui peut faire ça pour une personne qu'il connait à peine ? Lui ne le ferait pas, mais ça n'est pas un très bon exemple. Il a l'impression d'avoir trouvé son total opposé. Et ça le perturbe. Mais rapidement, toute cette incompréhension est remplacée par de la colère, lorsqu'il réalise qu'elle l'a dérangé pour rien.  « Are you seriously telling me you've made me come for nothing ? » Il devrait certainement être déjà reparti en direction de la salle de repos, mais quelque chose le force à rester.  « Listen, I'm sorry if I hurted you, but I don't understand why you came. So please, can you leave so I can go and take a nap while I can ? »

malgré le chauffage qui tourne, tu commences à ressentir l'air froid entrer dans l'ambulance, te caresser la peau tel un vieil ami. tu entretiens une relation conflictuelle avec l'hiver irlandais. t'apprécies la neige et l'ambiance qu'elle apporte avec elle. elle a le don de sublimer n'importe quel paysage. l'attiraille qui va avec ne te déplaît pas non plus, bien au contraire. tu trouves que ça te donne plutôt bonne allure. avec une mention toute particulière aux grosses écharpes en laine que tu chéries. cependant, t'as toujours été frileuse et tu ne serais pas contre une bonne tasse de chocolat chaud devant un feu de cheminée. comme lorsque t'étais enfant. maintenant que tu vis en appartement, inutile de préciser que ça devient plus compliqué. come in, it's freezing outside. tu lèves les yeux, cherchant les siens timidement. ton sourire moqueur a disparut. tu te rends bien compte que tout ceci n'est finalement pas la meilleure idée que t'ais eu. il est visiblement énervé, mais qui ne le serait pas? tu savais que ça se passerait comme ça, mais t'as plongé la tête la première, comme toujours. voir le mur arriver mais accélérer, c'est devenu ton style de vie. mais bizarrement, ça te plait. tu te plais dans le chaos que tu crées. tu te sens en vie. tu ressens quelque chose. are you seriously telling me you've made me come for nothing ? c'est exactement ce que t'as sous-entendu. pour tes beaux yeux, peut-être, mais il ne semble pas partager cet avis. t'as tendance à t'imaginer des choses, à mal interpréter. mais tu ne peux t'empêcher de remarquer que malgré tout ce qu'il peut dire, il est encore là, à tes côtés. certes, il semble au bord de l'explosion, mais il reste. i'm not putting a knife at your throat, dis-tu, d'un ton plus blasée qu'auparavant. which i could. ce n'est probablement pas ce genre de réflexion qui te fera marquer des points, mais tu t'en fous. tu n'oses déjà même pas imaginer pour quelle genre de fille il te prend, alors au point où t'en es. autant rester toi-même jusqu'au bout. de toute façon, s'il y a bien une chose que tu ne feras jamais pour qui que ce soit, c'est changer. listen, i'm sorry if i hurted you, but i don't understand why you came. so please, can you leave so i can go and take a nap while i can ? non, tu ne comptes pas t'en aller. il y met certes les formes, mais tu n'as toujours pas eu ce que t'es venue chercher. une discussion. ce n'est quand même pas la mère à boire. tout ça pour une simple conversation. ça aurait dû te mettre la puce à l'oreille. essayer aussi dur simplement pour parler, ce n'est pas ce qu'on peut appeler une relation saine. et encore, même cette expression en elle-même reste inappropriée. ce n'est pas un garçon pour toi. tout comme tu n'es pas une fille pour lui. you're not really sorry. t'es toi-même surprise par le son de ta voix qui laisse entendre que tu commences à te résigner. avec un haussement d'épaules, tu poursuis. that's fine. i'm not asking you to be. hell, i don't even want you to be sorry. i just want to know why.. you were so nice and charming. tu tournes la tête, regardant dorénavant à travers le pare brise, droit devant toi. i know i misunderstand things sometimes, but you were charming.. look, i didn't want to be with you. tu te retournes de nouveau afin de reposer tes yeux sur lui. c'était vrai. tu ne voulais pas, à ce moment là. à vrai dire, tu n'y avais pas pensé, jusqu'à ce qu'il décide de te laisser. i was just having fun with a lovely guy. talking, hanging out. but all of a sudden you disappeared without a word. goddess knows i can be fucked up, but i deserve better.

« Come in, it's freezing outside. » Mais il l'ignore, il ne prend même pas la peine de répondre à ça. C'est vrai qu'il a froid, et qu'il serait sûrement mieux à l'intérieur, mais il n'a pas envie de lui donner plus d'espoirs. Parce que s'il monte dans l'ambulance, ça voudrait dire qu'il a l'intention de rester là. Or, ça n'est pas le cas et ce même s'il est toujours là, à discuter avec elle. Du moins, c'est ce qu'il se dit. « I'm not putting a knife at your throat. Which I could. » Nolan fronce les sourcils, sans quitter Nerys du regard. Lorsqu'elle lui dit ça, il sait très bien qu'elle est sérieuse. Parce qu'elle a déjà tué, comme lui, et que la vie a une valeur différente à leurs yeux. S'il meurt, il sait qu'il rejoindra son père. Et peut-être qu'il ne serait pas si mal, là-bas. Souvent ça lui arrive de se demander comment c'est, l'Enfer. Dans les religions communes, ont décrit ça comme un endroit horrible, à l'image de celui qui règne sur le monde des morts. Pourtant Nolan sait que tout ça n'est pas vrai. Pour lui, l'Enfer serait presque plus accueillant que le monde dans lequel il vit. Nolan sait cependant qu'elle a raison. Elle ne le force pas à rester là, mais il le fait quand même. Et il se réconforte en se disant qu'il ne peut pas partir tant qu'elle est dans son ambulance, ce qui n'est pas faux, mais au fond, il s'en fiche. Ça n'est pas ça qui le pousse  à rester là, mais il ne voit pas d'autre explication. « You could, but you would seem crazy.  » Folle, c'est le mot. Toute cette réaction venant de sa part, ça semble démesuré aux yeux de Nolan. Qu'elle veuille comprendre pourquoi il a cessé de répondre, il peut l'admettre, mais qu'elle se donne tout ce mal pour obtenir des réponses, ça le dépasse. Cependant, lorsqu'elle commence à s'expliquer, à se justifier, ça lui fait mal au cœur. Il la connait à peine cette fille, mais il a pas envie d'être la cause de sa peine. C'est probablement pour ça que qu'il se donne jamais le mal d'envoyer un dernier message à ces personnes pour leur expliquer, parce qu'il a pas envie de voir ça. Parce que ça lui donne des remords d'agir ainsi. Là il se retrouve comme un con, au pied du mur, avec aucun échappatoire. Et surtout, il sait pas quoi lui répondre, Nolan. Il a jamais imaginé qu'il pourrait un jour se retrouver dans une telle situation. Alors il a pas les phrases toutes faites en tête, celles qui pourraient apaiser son cœur ainsi que celui de Nerys. Pendant quelques secondes, il reste silencieux. Il l'observe elle, et elle fait de même. Ses yeux sont emplis d'une émotion sur laquelle il n'arriverait pas à mettre de nom. Et ça lui donne une impression étrange de voir quelqu'un se soucier à ce point. « I'm sure you're a good person. And you probably deserve someone better, someone nice. » Il s'arrête un instant, cherche ses mots. « And honestly, I can't give you a good reason. I'm just like that. » Nolan hausse les épaules, avant de trouver un point à fixer, autre que les grands yeux de Nerys. « It's not your fault. » C'est la sienne il le sait. C'est lui qui a un problème, mais il se garde bien de le dire à haute voix ou même de se l'avouer à lui-même. Mais c'est inscrit dans son subconscient, qu'il se complaît à refouler, aussi loin que possible. Peut-être qu'un jour, il aura le courage de faire face à ses démons. Mais ça n'est pas encore le cas.

tu le regardes, planté là. il ne part pas, mais n'entre pas non plus. il reste simplement immobile, bravant le froid. tu n'arrives pas à interpréter ça, et pour une fois, tu n'en as pas envie. s'il veut rester dans ce froid, ainsi soit-il. tu te montrais un tant soit peu gentille, mais en réalité, ça t'est bien égal. tu refermes ton manteau, croisant tes bras autour de celui-ci. you could, but you would seem crazy. un sourire se forme au creux de tes lèvres. tu trouves la façon dont il dit ça marrante, en quelques sortes. t'es persuadée que c'est déjà l'image qu'il a de toi. il y a de quoi. probablement personne ne lui avait fait un coup pareil avant toi. il faut être un peu tordue pour avoir ne serait-ce que l'idée de faire une chose pareille. disproportionné, ça l'est. tu ne sais même pas pourquoi tu réagis ainsi, tu le fais, simplement. tu ne te poses pas de questions au préalable. t'es persuadée que quelque chose cloche chez toi, mais tu n'arrives pas à mettre le doigt dessus. tu ne sais pas. tu ne veux pas savoir. t'es un bordel humain à toi toute seule, et dans un sens, ça te plait que personne ne puisse réellement te comprendre. t'as appris à t'accepter comme t'es, ce que tu fais - du moins, dans tes moments de lucidités. et peux importe si le monde entier pense que t'es folle. aren't we all crazy? la plupart des gens se plaisent à penser qu'ils sont parfaitement sains d'esprit, mais ce n'est que mensonge. même les humains, qui paraissent bien plus réfléchis et posés que les autres races, sont tout aussi foutus que les autres. à vouloir tout contrôler, à se prendre pour le nombril du monde, pour des êtres supérieurs qui s’octroient le droit d'imposer leurs propres règles au reste du monde. si ce n'est pas être fou ça. et lui, nolan. tu sais ce qu'il fait, tu l'as toujours su. son aura le trahit. il tue avec un sang froid à toute épreuve. et pourtant, il a choisit un métier dans lequel il est censé sauver des vies. surement pour soulager sa conscience. et même si ce n'est pas pour cette raison, ça reste tordu. tordu de mener une telle double vie. tu n'as jamais fait aucune remarque, cependant. tu ne comptes pas le faire. tout simplement parce que tu t'en fous. tu t'en fous de ce que peuvent bien faire les gens. dans ta folie, t'as cette lueur de lucidité. personne n'est sain d'esprit. i'm sure you're a good person. and you probably deserve someone better, someone nice. perdue dans tes pensées pendant un petit instant, cette simple phrase suffit à t'en extirper. tu lâches un léger rire étouffé, qui ressemble plus à un soupir d'ailleurs. maybe i dont, laisses-tu échapper presque inaudiblement. t'as du mal avec cette notion, cette phrase toute faite qu'on sort pour limiter les dégâts. au contraire, tu penses que n'importe qui peut être avec n'importe qui, à condition de le vouloir. and honestly, i can't give you a good reason. i'm just like that. t'hoches la tête, comme si tu comprenais. ce n'est pas le cas, mais tu sens qu'il commence à baisser doucement sa garde. ça te suffit. t'es certes venue pour des explications, mais peut-être qu'au final, c'est mieux ainsi. fine.. say it. just tell me you don't want to do anything with me, ever again. i'll go with that. qui essaies-tu de tromper? tu ne lâcheras pas l'affaire et au fond de toi, tu le sais. tu ne peux pas concevoir qu'on puisse te laisser ainsi. non pas que tu sois si extraordinaire, mais selon toi, il devait y avoir une bonne raison. voir même partir en troisième guerre mondiale, telle une drama queen que tu es. mais pour le moment, tout ce que tu désires, c'est ne pas rester dans ce silence pesant. it's not your fault. un autre rire étouffé t’échappe. nerveux, celui-ci aurait pu partir en indignation. bien sûr que ce n'est pas ta faute. tu n'as rien fait de mal. c'est lui. tout est de sa faute, et il ose en plus te sortir cette phrase bateau et cliché.

Il ignore pourquoi, mais ses mots la font sourire. Ça le laisse perplexe, car ça n'est pas forcément très flatteur. Mais il ne fait aucun commentaire là-dessus. « Aren't we all crazy? » Elle a probablement raison. Il n'y a jamais réfléchi avant, parce qu'au final, Nolan ne réfléchit pas à grand chose. Il vit au jour le jour, évite de se poser des questions et de se projeter dans le futur. Peut-être parce que lorsqu'il le fait, il n'imagine rien. Rien qu'un flou noir, qui ne laisse pas beaucoup de place à l'espoir. Alors il reste sur ses certitudes, évite de penser au monde et aux autres, mais surtout, à lui-même. Parce qu'au final, c'est ce qui l'effraie le plus. Lui-même. Mais ce qu'elle dit est vrai. Personne n'est normal, le monde est beaucoup trop fucked up pour ça. Tout le monde a ses vices, ses défauts. A peine Nolan a-t-il prononcé ces quelques mots, cette vaine tentative de justification, qu'il se rend compte que c'est cliché à souhait. Même s'il l'avait voulu faire pire, ça aurait été difficilement possible. Il n'est vraiment pas doué pour ça, pour les explications. Il n'a jamais eu à le faire, ou très rarement.  Il n'a aucune expérience quand il s'agit de rupture, qu'elles soient amicales ou amoureuses. Non, lui, il ignore, et ça s'arrête là. C'est beaucoup plus simple d'éviter les gens que de leur faire face. Nolan sent qu'il n'a pas réussi à l'apaiser avec ses mots. Il aurait aimé en être capable, mais ça n'est pas le cas. Il ne sait même pas si ça aurait vraiment été possible.  « Fine.. say it. Just tell me you don't want to do anything with me, ever again. I'll go with that. » Mais il a l'étrange sensation que ça ne suffira pas. Peu importe ce qu'il pourrait lui dire, ça ne suffirait jamais. Et il ne comprend pas pourquoi elle s'acharne tellement, parce qu'il n'en vaut vraiment pas la peine. Il n'est pas quelqu'un de bien, quelqu'un à qui on a envie de s'intéresser. Il est juste lui, et ça n'est jamais suffisant. « It wasn't a good idea for you to come here. » Parce qu'elle va probablement repartir triste, blessée même. Au moins, avant de venir, elle avait l'incertitude qui lui permettait de créer ses propres hypothèses. Vraiment, elle n'aurait pas dû venir. Il aurait continué sa journée, sans aucun élément perturbateur. Nolan sait que, même une fois qu'elle sera partie, il ne pourrait s'empêcher de ressasser cette rencontre. Ça va le perturber, l'agacer. Et il déteste ça. Elle n'aurait pas dû venir. « Well, I think this is goodbye. » Et une fois de plus, il essaye de s'arranger pour écourter cette conversation qui le met mal à l'aise. Il ne s'est pas expliqué et il ne le fera pas. Il n'y a rien à expliquer de toute façon. Il est comme ça, et puis c'est tout. Il n'est pas fait pour elle et elle n'est pas faite pour lui. Et insister ne changera pas les choses. Nolan se balance d'un pied sur l'autre, ses mains enfouies dans ses poches. Il serre les poings, tandis que son regard dévie à nouveau vers Nerys. Un instant il soutient ses yeux perçants, tandis que le silence devient de plus en plus lourd. « Can you get out of the ambulance, please ? »  Elle n'aurait pas dû venir.

it wasn't a good idea for you to come here. évidemment que ça ne l'est pas. tu n'as pas besoin de lui pour t'en rendre compte. surement l'une de tes pires idées. probablement pas la dernière. tu n'apprends pas de tes leçons. tu fais partie de ces gens qui doivent commettre six ou sept fois la même erreur pour enfin de mettre à réfléchir. tu ne regrettes pas. tu ne regrettes rien. après tout, peu importe à quel point tes choix peuvent te mettre dans des situations incontrôlables, c'est ce que t'as voulu à un certain point. on regrette seulement ce qu'on a pas fait. un frisson traverse tout ton corps. plus les minutes passent et plus l'air se refroidit. contrairement à nolan qui lui, s'adoucit. tu finirais presque par croire qu'il est vraiment désolé. well, i think this is goodbye. presque. tu n'as toujours pas eu ce que t'es venue chercher. à un certain point dans cet échange, t'as fini par abandonner l'idée d'avoir des explications. seulement tu souhaites tout de même qu'il te dise clairement qu'il ne veut plus jamais te voir, te parler. ça te fera mal. tu prendras un coup droit dans l'estomac, avec ta peur de l'abandon. tout le problème est là. tu ne supporte pas d'être mise de côté. par personne. pas même un garçon que tu ne connais pas, au final. tu t'es certes attachée à lui, mais il y a tellement plus derrière. ce n'est pas ton ego qui est touché, c'est ta peur d'être seule. alors au final, tu te fiches un peu qu'il se passe quelque chose entre vous ou non - parce que ce n'est pas ça le réel problème - tant qu'il reste. can you get out of the ambulance, please ? tu lâches son regard et lèves les yeux, faisant semblant de réfléchir. tu sais que ça ne sert à rien d'insister. tu n'attendais pas grand chose de sa part, en venant ici. mais t'as déjà eu bien plus que ce que tu pensais. l'espoir. ça peut tuer un homme, l'espoir, mais tant qu'il y en a, c'est que rien n'est perdu. et tu préfères mourir à trop espérer, plutôt que mourir avec la certitude que tout est fichu. tu finis par hocher la tête, un léger sourire aux lèvres. tu te tournes complètement, tes jambes se retrouvant ainsi dans le vide. t'attrapes la poignée intérieur de la portière et poses ton autre main sur le torse de nolan avant de te descendre. pour t'aider, un peu. pour le toucher, beaucoup. tu ne t'éternises pas, cependant, le lachant aussitôt que tes pieds touchent le sol. have a good night. i'll see you soon. parce que tu ne lâcheras pas l'affaire. tu le sais. il le sait probablement aussi. tu n'attends pas de réponse de ça part. tu ne cherches même pas à détailler l'expression sur son visage. au fond, tu te doutes un peu de sa réaction. ça ne servirait à rien. sans plus attendre, tu commences à t'en aller. tu fais quelques pas, enroulant tes bras autour de toi pour te réchauffer un peu plus, avant de te retourner. you're saving a lot of people, but who's saving you? ton regard perce le sien un court instant, le temps d'une seconde. puis te reprends ta route, t'enfonçant dans la pénombre.

Nolan reste planté là, à attendre quelques secondes. A sa plus grande surprise, Nerys ne répond rien et abandonne même. Elle hoche la tête, un sourire aux lèvres. Il ne comprend pas bien la raison de ce sourire, ça l'étonne d'autant plus. Mais pour dire vrai, il ne comprend pas la jeune femme du tout. Ses réactions sont imprévisibles et ça le perturbe de ne pas pouvoir lire en elle. Il n'aime pas être pris au dépourvu, Nolan. La jeune femme profite de la proximité du sorcier avec l'ambulance pour poser sa main sur son torse, afin de s'aider à descendre. Du moins, c'est probablement la raison officielle. Officieusement, il la soupçonne de chercher le contact physique, mais il ne fait aucun commentaire. Il ne bouge pas, soutenant uniquement son regard. « Have a good night. I'll see you soon.  » Et voilà qu'avec une seule phrase, elle vient de confirmer tous ses doutes. Il n'en a pas fini avec cette femme. S'il espérait s'en tirer ainsi, c'est raté. Mais encore une fois, il préfère garder le silence. Ça ne sert à rien de discuter, de lui répondre. Il va juste se montrer plus vigilent, l'éviter avec soin. Nolan reste sur ses positions, comme toujours. Il ne veut plus la voir. Surtout maintenant qu'elle montre tellement d'intérêt, ça lui fait peur. Parce que personne ne s'intéresse jamais à lui à ce point. Très peu de gens l'ont fait avant elle et encore moins de personnes ont réussi à réellement intégrer sa vie. Il pense que c'est enfin fini, qu'il va pouvoir rentrer et essayer de chasser cette rencontre de son esprit, mais après quelques pas, Nerys s'arrête et se retourne. « You're saving a lot of people, but who's saving you? » Son regard le traverse. A ce moment précis, il a l'impression qu'elle peut lire en lui comme dans un livre ouvert. Ses mots résonnent dans sa tête, il ne sait pas quel sens leur donner. Il reste penaud, pendant plusieurs secondes après qu'elle ait quitté son champ de vision. Who's saving you? No one. Personne. Il était seul. Entouré, mais seul. Et il le resterait, tant qu'il continuerait à rejeter les personnes qui souhaiteraient rentrer dans sa vie.

END.