L'alien. Le rebus. Le bizarroïde. Le prince. Le sale petit prétentieux. L'erreur des Hepburn. Autant de surnoms trés avancés qui lui arrivaient aux oreilles de la part de ces gens qu'on appelait apparemment "famille". Il avait du être foutu dans la mauvaise cheminée lors du bombardement de cigognes y'a seize ans de ça, y'avait pas d'autres éventualités possibles. Ces surnoms n'étaient pas donnés par ses camarades, parce que faut dire que l'école, c'était le pied à coté de ses demeurés notoires, adeptes de la vie américaine, sous prétexte que c'était ça la vraie life. Malbouffe, Bush, les armes, les bedaines proéminentes, la vulgarité, l'odeur de transpiration qui imprégnait chaque mur de ces baraques de gros crasseux, voilà dans quoi avait grandi le jeune irlandais. Ces insultes venaient justement. Il avait apparemment était ramassé quelque part... ou bien le seul gêne de potabilité (oui ce mot n'existe pas nous sommes d'accord) familiale, avait été mis dans son code ADN, avec une fréquence de possibilité de l'ordre de 1 sur 10M. Tous ceux qu'ils connaissent de cette famille n'étaient qu'une ode à la beauté de la brutalité, des actes primitifs et de cette espèce de besoin de roter plus fort que l'autre ou d'avoir des actes plus débiles et méchants les uns que les autres. Les principes d'éducation... hein c'est quoi? Une nouvelle faritas? Voilà notre Beau accoudé à une table du bout des os, pour ne pas dégueulasser son sweat acheté avec sa propre tune, parce que sa mère préfère ses clopes à saper ses gosses. Une table qui n'a pas été raclé depuis des lustres, mais tant qu'on voit la couleur, c'est bon non? Les nappes? Pas connaitre non plus. Et le sol, ouais bah, on y marche, ça sert à rien de nettoyer si on redégueulasse après sérieux, aucune logique ces bourges. Il observe sa sœur à la gueule tartinée de maquillage qu'il a du se foutre à moitié réveiller à parler sur son portable comme si elle avait choisi une licence en catin majeur (péripatéticienne, c'est un mot trop lourd pour elle. Déjà que manucure, elle n'sait pas l'écrire). Cette dernière lui jette un regard médusé, et d'un geste nonchalant, elle lui jette un corn flake qu'il regarde tomber sur son bras, lisant avec blasement tout le pseudo mépris de cette môme bousillée avant l'âge... elle est même pas encore dans l'adolescence, et il ne peut rien y faire. Et son jeune frère qui est en train d'emmerder sa mère avec les derniers jeux vidéos sortis. Une mère qui met tout son poids pour faire rentrer la lessive du jour, et économiser de la lessive. Une lessive eco+ qui quand le linge écrasé en ressortira ne sera non seulement pas lavé correctement, mais en plus puera le chien mouillé, parce qu'elle va l'oublier pendant deux jours dedans. C'est pas qu'il salit énormément ses affaires en plus, alors il s'arrange pour les laver au lavabo parce qu'entre les sous vêtements de sa sœur et sa mère et les jogging que son frère met pendant une semaine sans se changer, alors que le roi des auréoles... non, c'est juste pas possible d'enfiler un tee shirt ensuite sans avoir l'impression d'être contaminé des oreilles à l'entrejambe. La jalousie est probablement leur source de moquerie, ou bien la méchanceté gratuite ou le fait qu'il est très différent, non seulement physique mais surtout mentalement.

Impossible pour lui de puer le bouc, de se laver dans des douches pleines de poil (il préfère carrément les douches collectives du lycée), de manger ces trucs non identifiés qu'ils ingurgitent au kilo. Sa famille lui donne de plus en plus la gerbe. Il n'est pas maniaque mais y'a des limites. Le coté campagnarde, mélangé avec le mauvais gout américain très cliché des gens suffisants ne fait pas du tout bon ménage. Son frère finit par lâcher sa mère qui le menace de lui coller ses vieux slips dans la tronche s'il n'arrête pas de l'emmerder avec ses jeux à la con. Pour se venger, il bouscule Beau, qui se décale sur le coté, manquant de faire tomber son bol de céréales secs (il se méfie du lait ici) mais le chien arrive de l'autre coté ou fout son nez dans l'assiette de la gosse pas loin, qui non perturbé continue de bouffer le reste, toujours au téléphone et son bol subit le même sort. Beau grimace et pose le bol au sol. Ok , ce sera pas pour ce matin le petit déjeuner. Encore une fois. Il est déjà pas gros mais on se demande plus pourquoi. Pendant que son frangin l'emmerde à souhait en lui balançant des vannes de bas étage qui ne l'atteignent même pas, son père arrive enfin dans la cuisine. Victoire il est sorti du lit! Enfin... en slip, mais sorti du lit. Avec 150 kilos à la clef, un ventre qui joue à la baudruche version shrek et une gueule de quinze pas de long. Il regarde Beau avec un dépit presque avéré, du style: ah oui, c'est vrai qu'il est dans la famille lui... "Pourquoi tu m'regardes toi. T'as pas l'bus à prendre?" Ok, bonjour p'pa, non , pas grave. Beau se lève sans un mot, manquant de se faire casser la gueule à son frère qui avait appuyé une part de sa graisse sur lui, et s'éloigne sous le fuck de ce dernier. Chaque matin était ainsi. Chaque soir. Chaque nuit, il entendait ses parents se faire des trucs douteux qui lui foutait le doute quant à son envie de copuler un jour, et chaque jour c'était l'horreur de retourner chez lui, pour se voir affubler en même temps que ses devoirs, tout ce que ses vieux avaient à faire la journée, et qu'ils auraient pu faire vu leur inactivité professionnelle... mais le canapé devait avoir un attrait plus important que le balai. Le calvaire des sanitaires le faisait toujours dégueuler, et quand il osait ne pas le faire, son frère s'arrangeait pour lui faire tellement de saloperies innommables, que juste pour être peinard, il s'infliger cette tâche mensuelle... Jusqu'à au jour où... il stoppa tout , et claqua la porte. Le gosse, calme, serviable et discret qu'il était en avait fini par en avoir ras le cul de ces tarés ventripotents.

  CHAP. II ♦ Une difficulté n'en est plus une, à partir du moment où vous en souriez, où vous l'affrontez.

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