Il faisait sombre, bien trop sombre. Elle se releva de son lit, s’extirpant de ses draps glacés et trop lisses. Elle reconnut les quelques cadres de sa chambre, laissant son regard explorer les murs comme s’il s’agissait de ses premiers pas dans cette pièce. Quelque chose lui restait étrange. Ses doigts effleurèrent la table de chevet poussiéreuse et la fenêtre grande ouverte ne laissait pourtant passer aucun bruit, aucun souffle d’air. Le silence, juste le silence. Elle avait l’impression d’être dans un de ces films d’horreurs qui font crier des salles entières de cinéma. Mais pourtant tout lui semblait réel. Reconnaissant cette vieille peluche à laquelle les yeux s’étaient échappés. Malgré ce souvenir familier, elle sait bien que cette horrible peluche ne devrait pas se trouver ici, cela faisait bien longtemps que Naomh l’avait jeté dans un de ces cartons pourrissant au grenier. « Maman ? » Un simple mot qui résonna pourtant une dizaine de fois dans son esprit. Elle attendit, encore et encore. A sa place, immobile, évitant de faire le moindre bruit au risque de couvrir la voix de sa mère. Mais aucune réponse ne vint. Alors elle se retourna, les meubles disparurent subitement comme s’ils n’avaient jamais été là. Et elle, elle s’observait. Son reflet la fixait, ou était-ce l’inverse ? Elle n’était plus sûre de ce qui se passait vraiment mais elle savait que tout cela n’avait aucun sens. Ce miroir, elle l’avait brisé il y a déjà des années. Son poing en était marqué, elle aussi. Son reflet se déformant, elle recula. Tout ça n’était définitivement pas réel. Ses cheveux se teignirent d’un doux orange, son visage se moucheta de tâches rousses et en quelques secondes elle n’était plus qu’une revenante. Et comme à chacun de ces cauchemars elle hurla.

Ce fut une main sur son bras qui la sortit de ses évasions sombres. Ses yeux se posèrent sur cette main qui la rassurait étrangement et elle hocha la tête sans vraiment savoir pourquoi. Trop assommée parce qu’il lui avait fait boire, elle n’avait rien compris à ce qu’il venait de lui dire mais souhaitait simplement en finir vite. Mais finir quoi ? Tout lui semblait flou, elle leva les yeux vers la fenêtre, observant quelques instants cette lune trop ronde un mal de crâne vint pourtant lui torturer l’esprit. Se demandant où elle pouvait bien être, l’une des portières claqua derrière elle. Ses sourcils se froncèrent tentant de se rappeler pourquoi est-ce qu’elle avait accepté d’accompagner cet inconnu. Quelques secondes s’écoulèrent, assez pour que quelques bribes de leur rencontre lui revinrent en mémoire. La tombe, les larmes et le désir de partir. Lui, il était là pour l’aider. Faire ce qu’elle n’avait jamais eu le courage d’accomplir. Mais voulait-elle vraiment tout abandonner ? Elle jeta un regard au volant, l’hésitation lui soufflait de le saisir et de s’en aller mais elle avait déjà fait un choix.

Elle ouvrit à son tour la portière, laissant le vent glacial de cette nuit lui mordre les joues. S’extirpant du véhicule comme elle le put, elle se rattrapa pourtant à celui-ci manquant de tomber sous les derniers effets de la drogue. Elle ne savait pas vraiment ce qu’il lui avait donné mais en tout cas ça l’avait bien endormi. De simples précautions d’après lui, rien de bien dangereux mais même s’il s’agissait de poison, elle s’en fichait. Après tout qu’avait-elle à perdre ? La curiosité prenant le dessus, elle s’aida du capot pour contourner la voiture et se retrouver face à l’inconnu. « Où est-ce qu'on est ? » Une question qui lui parut plus qu’idiote après qu’elle ait franchi la barrière de ses lèvres. D’un simple coup d’œil et malgré la nuit noire, elle parvint à reconnaitre les montagnes dominant tout Glencullen et les sentiers aplatis par les pas des touristes. Elle secoua finalement la tête pour lui faire comprendre qu’il n’avait pas besoin de répondre. Un geste qu’elle regretta bien vite suite à l’horrible douleur qui lui vrilla le crâne. L’impression d’avoir un marteau piqueur dans la tête se fit plus forte mais elle tenta de passer outre. Bien consciente qu’il n’allait pas la tuer sur le bord d’une route à la vue de tous, la brune finit donc par le suivre malgré son étourdissement.

Naomh, elle se sentait étrangement sereine. Elle se doutait pourtant que ce calme n’allait pas durer longtemps bien qu’elle l’espérait. Pour le moment elle était rassurée par cet homme qui lui semblait être doux et gentil. Elle se sentit alors coupable, se demandant si c’était vraiment la bonne chose à faire. Elle voudrait lui dire qu’il n’était pas obligé de l’aider, car une mort reste toujours là pour hanter son responsable. Mais en bonne égoïste, elle ne dit rien et se hasarda à une question utile dans le seul but de briser le silence. « Tu fais souvent ce genre de choses ? Je veux dire… Tuer enfin aider les gens à s’en aller ? » Des mots maladroits qui s’enchainèrent, elle n’avait jamais été très douée dans ce domaine-là de toute manière alors pourquoi s’en inquiéter quand la mort la guettait de si près.    

Et elle finit par se taire. Comprenant que chacun de ses mots repousseront ce moment qu’elle a attendu pendant tant d’années, trop d’années. Un moment se rapprochant dangereusement et pourtant seul le soulagement la guidait à cet instant.