Mon cœur battait à toute allure, je courrais très vite dans la forêt sans regarder derrière moi… Je me sentais toute bizarre, je ressentais des sensations que je n’avais jamais ressenties auparavant. Cette adrénaline… J’essayais de me contrôler et de ne pas retourner en ville pour essayer de me trouver de la chair fraiche à grignoter. Merci maman de m’avoir appris tout ça quand il en était encore temps, sans toi… je serais sûrement un énorme monstre bouffeur d’humains.

C’était une nuit de pleine lune, le gars qui m’avait enfermée chez lui l’avait sûrement oublié quand il est descendu en pleine nuit pour m’apporter quelque chose à manger… D’habitude, il bloquait bien la porte de la cave avec divers meubles, mais là… il avait fait l’erreur de ne pas s’être informé sur ce qui s’attendait cette nuit là. Je devais sortir de cet enfer, maman, tu le sais autant que moi. C’était pas une vie de rester enfermée dans une cave, les mains attachées, à ne jamais prendre de bains et à manger des trucs dégueulasses. Je repense encore à tout ce sang qu’il y avait à terre, à son corps immobile sur le sol de la petite pièce… Je ne me sentais pas coupable, loin de là, j’étais juste… triste.

Ma mère m’avait appris à lutter contre ces envies, ces pulsions, ces pertes de contrôles depuis toute petite, j’avais été une bonne élève et j’avais appris assez vite à me contrôler, je ne me transformais uniquement quand il l’était nécessaire… Et j’avais oublié tous ces cours à la con le temps d’une soirée pour tuer un abruti qui m’avait séquestrée pendant une année dans une cave. Quel gâchis…

Il commençait à se faire tôt, le ciel était teinté de ce rouge écarlate sanglant, peu sont les courageux qui sortent à cette heure là le matin… J’étais allongée dans la forêt, sous forme humaine, endormie. Je sentais la fraicheur du matin caresser mon corps nu, ce qui ne fut pas assez pour me réveiller. Ce qui me réveilla, c’était le chant des oiseaux que je n’avais pas entendu depuis un bail… mais qu’est-ce que je détestais ça.
En ouvrant les yeux, je pus découvrir pour la première fois depuis un an… l’extérieur, je me redressais, les mains posées à plat sur l’herbe humide. « Putain… » murmurais-je en regardant autour de moi, j’étais dans une forêt, une forêt que je reconnaissais très bien : la forêt de Glencullen. Mais… qu’est-ce que je faisais là ? Je jetais quelques regards à ma droite, à ma gauche… rien, il n’y avait personne, je ne comprenais rien. J’avais comme… oublié mes souvenirs, je ne me rappelais plus de la nuit que je venais de vivre.

Sur mes bras, sur mes jambes… presque partout sur mon corps, il y avait des petites tâches rouges écarlates, du sang… bordel, mais qu’est-ce que j’avais fait ? Et c’est en reprenant peu à peu conscience, maintenant un peu plus réveillée que je me rendis compte que j’étais entièrement nue, à terre, au milieu d’une forêt. Je savais ce qui s’était passé, pourquoi je me retrouvais dans cet état…
Je fondis en larmes tout en me recroquevillant, les bras autour de mes jambes qui étaient contre ma poitrine, je pleurais, les yeux fermés. Je ne savais pas quoi faire, je n’avais nulle part où aller, et je n’avais envie de ne rien faire d’autre que pleurer et penser à l’énorme connerie que j’avais faite.

A nouveau, la lune t'arrache te ton foyer, de Lysander. L'abandonnant à une baby-sitter que tu ne supportes pas, il n'est pas rare que tu en changes, à chaque fois elle trouve à redire sur ta manière de t'occuper de ton fils. Ces putes. La coté animal en toi se réveille, doucement tu retires t'es vêtements, les cachant dans une vieille souche. Ta chair se déchire, tes os se brise, les poils te brûle la peau à mesure qu'ils s'allongent, ton organisme entier hurle à la souffrance. Toute humanité quitte ton corps, seul l'animal subsiste. Ton loup part retrouvé sa meute, oubliant Lysander, oubliant ton boulot et tous ces problèmes humains. En changeant de peau tu as également changer d'esprit, désormais tu n'es qu'un loup faisant partis d'une meute, d'un tout. La seule chose qui existe est la meute, ta meut te rendant plus fort, ta meute chassant en groupe, ta meute tuant et dévorant de simples humains, tout est ta meute. La chasse est bonne, vous avez même attrapé un sorciers, stupide, pris par surprise durant sont rituels, son sacrifice transformé en repas. Toute la meute en a profiter, cette nuit, même les oméga peuvent manger. En bon bêta tu cours au côté de ton alpha, scrutant la profondeur de la nuit, à la recherche de nouvelle proie, reniflant l'air à la recherche d'une piste, tendant l'oreille à la recherche d'un bruit.

Après cette longue nuit de chasse, l'humain en toi refait surface, désireux de quitter ce corps bestiale. La lune s'affaisse, perdant un peu plus de son emprise sur toi à chaque seconde, t'es griffes redeviennent des ongles, t'es pattes retrouve leur aspects humains et t'es poils redeviennent petit et éparse. Doucement, mais surement tu quittes la meute, ne voulant pas te retrouver nus comme un vers ce matin de février. Rapidement tu te rhabilles, enfilant ta veste tu te diriges vers la maison. Enfin délivré de la torture, renchaîné aux problèmes humains. Tu t'inquiètes pour Lysander, tu repenses à la manière dont tu as traité la baby-sitter, la lune a se dont de te mettre en rogne les jours de pleines lunes. Il faudrait que tu apprennes à te contrôler. Tu te remets en route, tout droit vers la maison, ne désirant que revoir Lysander et te repose toute la journée. Iseult sait que les jours de pleines lunes tu prends toujours congé, pas besoin de la prévenir.

Un bruit bien t'extirpé de tes songes, en tendant l'oreille tu jurerais entendre une gamine pleurée dans la foret,  l'air te révèle une odeur de sang mélanger à celle d'une louve. Sans faire de bruit, tu bifurques vers les pleurs, sondant les bois à la recherche d'une enfant. Surpris, tu vois bien une gamine, complètement nue accroupie, du sang recouvre sa peau pâle. Sans geste brusque, tu retires ta veste "Hey, ça va ?" Tant de questions te frappe en ce moment, qui est-elle ? Que fait-elle ici ? Et surtout, pourquoi est-elle couverte de sang ? "Tiens, enfile ça ou tu vas attraper froid." Dans tous les cas, tu ne peux pas la laisser seul ici, elle doit être aussi fatiguée que toi, après une nuit en loup, vous êtes toujours fatigués, c'est pareille pour tous les loups, sans exceptions. Ta décision est prise, elle va revenir chez toi, tu lui trouveras bien des vêtements ou autre chose à enfiler, elle se reposera un peu et après, tu essayeras de comprendre ce qu'il a bien pu lui arriver.

Les larmes coulaient sur mes joues, j’avais la tête baissée, recroquevillée sur moi-même... Qu’est-ce que j’avais fait ? Pourquoi ? Qu’est-ce qu’il allait m’arriver ? J’étais perdue, j’étais déboussolée… je ne savais même pas quoi faire, à part rester là à pleurer sur mon sort en espérant que quelqu’un me trouve. J’étais trop faible pour me lever, je ressentais cette sensation que je n’avais jamais éprouvée auparavant, cette sensation qui faisait que j’avais hyper mal au crâne, que j’arrivais à peine à penser clairement… Même si je n’avais pas de souvenirs de ce qui s’était passée la nuit dernière, je savais très bien ce que j’avais fait, c’était évident. Ce sang sur moi, la douleur et le goût bizarre que j’avais dans la bouche, le fait que je me retrouve nue dans les bois… j’avais tué cet enfoiré qui m’avait enfermée dans sa cave et m’avait traitée comme un animal, comme une merde pendant un an. Et même s’il m’avait fait vivre un très long calvaire que je pensais interminable, je ressentais du regret… j’avais jamais tué personne dans ma vie, mes transformations volontaires ne duraient jamais très longtemps, étaient brèves et inutiles… c’était la première fois que je faisais quelque chose sous cete forme, ma forme bestiale. Et si j’avais tué d’autres personnes en arrivant dans ces bois, hein ? Et si mes pulsions s’étaient avérées plus présentes qu’ils n’étaient censées l’être ? J’avais pas envie de le savoir, je ne voulais pas être un monstre… même si j’en étais déjà un.

Parmi mes pleurs, je pus distinguer un autre bruit… des bruits de pas. J’ai essayé de me servir de mon odorat développé, mais… j’ai rien senti de spécial, j’étais sûrement trop faible, ou… je sais pas, mais ça n’a pas marché. Je n’ai pas bougé, tremblotant à cause de la faible température… normal, vu l’heure qu’il était. Je vis un homme, assez grand, s’approcher de moi et défaire sa veste en me demandant si ça aller, mon odorat me dit qu’il était un loup… je pensais pouvoir lui faire confiance. « Nan… », ai-je reniflé en essuyant mes larmes avec mes doigts avant de me redresser tout en essayant de cacher mes parties, tenant à peine sur mes jambes… Je n’allais pas bien. Il m’aida à bien me tenir levée tandis que j’enfilais sa veste et la fermait, me sentant légèrement mieux… mais j’avais quand même froid aux jambes. Qui était-il ? Allait-il m’aider ? Je l’espérais… et le fait qu’il m’ait prêté sa veste me le faisait penser. « Merci… » murmurais-je d’une faible voix en me raclant la gorge, il fallait qu’on bouge de là… tout de suite. J’avais besoin de manger, de vêtements, d’une douche, de me reposer… de chaleur, et surtout d’un toit. « Je… On peut partir d’ici… ? » lui demandais-je, le visage ravagé par les pleurs, ce sang que j’avais sur la peau me dégoûtait… et je n’osais pas me demander ce qu’il devait penser de tout ça, mais il devait savoir ce que je ressentais, il était sûrement déjà passé par là quand il était plus jeune, mais il s’en était sûrement mieux sorti que moi.

Mes jambes tremblaient face à la froideur et à la douleur que je ressentais depuis mon réveil… je m’étais sûrement cassée la gueule en courant cette nuit, sous ma forme bestiale, ou j’avais peut-être couru trop vite… je n’en sais rien.

Toute tremblotante, la petite se lève, découvrant son visage, cachant au maximum son petit corps frêle. Son état est terrible, quel traitement à ton bien pu lui faire subir. Lui enfilant la veste, elle te remercie, cette gamine ne va définitivement pas bien, les seuls mots qu'elle a prononcés sont non et merci d'un air grave, une fille de son âge devrait passer son temps à rires, à s'amuser avec ces amies et pas être seul dans la foret, le visage recouvert de sang incapable d'aligner deux mots. Ces tâches de rouge t'horrifie, comment une gamine de son âge peut porter de telle trace sur elle, aucun enfant, loup, sorcier ou chasseurs ne devrait jamais avoir à être recouvert de sang, elle a dû assister à un meurtre, si elle ne l'a pas commis… Sa petite voix te demande de partir. "Ok, je n'habite pas loin, on va y aller. Ça te va si je te porte sur mon dos ?" Vu la difficulté avec laquelle elle c'est levée, jamais elle ne sera capable de marcher jusque là-bas. Accroupis face à elle, tu la sens se hisser, tirant de toutes ces forces sur t'es épaules se  laissant tomber de tout son poids sur ton dos. Malgré tout ce qui a pu lui arriver, elle semble te faire confiance. Ça te rassure qu'elle ait gardé cette innocence d'enfant, qu'elle puisse te donner ce cadeau si précieux. En te relevant, tu la maintiens fermement avec tes mains charnue, sentant le froid de ses jambes, elle est frigorifiée, il faut vite rentrer avant qu'elle ne tombe malade. Ses bras entoure ton coups, elle est légère, ta fatigue pourra la supporter, aux moins jusqu'à la maison.

Entamant la marche, tu tentes de la rassurer comme tu le faisais avec Iris, ta nouvelle rencontre ne doit pas être beaucoup plus jeune que ta sœur. "Dis moi, tu t'appelles comment ? Et tu as quel âge ?" Créant un simulacre de normalité, tu espères la réconforté, sans la pousser à trop parler. Elle doit encore être sous le choc, avec cette nuit de fou qu'elle a dû subir. En rentrant tu lui donneras tout ce qui lui faut, des vêtements, de quoi manger et un lit douillet avant de repartir à la recherche de ces parents. Ils ne doivent pas être loin, un enfant ne disparait pas sans laisser de trace. Lysander, lui est bien partit sans que tu laisses une trace à sa mère, alors pourquoi pas elle ? Tu te mes à te tracasser pour cette gamine que tu viens juste de rencontrer, elle pourrait être n'importe qui, une louve assoiffer de sang alors pourquoi tu t'intéresses à elle ? Surement à cause de cette lueur de fauve enfermé trop longtemps, dansant au fond de ses yeux, résistant vaille que vaille à tout ce que le monde lui oppose, cette même lueur que tu as côtoyé si longtemps dans cette grande maison. Jusqu'à l'arrivée de cette sœur, sa seule famille. Dans un sens, tu espères pouvoir lui rendre la mêmes chose qu'Iris ta donnée, pourtant tu sais bien que tu devras laisser cette gamine à ces parents, qu'ils soient des monstres ou non, tu n'as aucun droit sur elle…

La veste qu’il m’avait prêtée me réchauffait un peu, m’aidait à ne plus penser à la température qu’il faisait, à la douleur que je ressentais… C’était dans ce genre de moments que la pudicité n’existait plus, j’avais d’autres choses auxquelles penser… Je venais de sortir d’un gros cauchemar, et j’espérais honnêtement que tout soit enfin terminé, même si je ne pouvais pas en être sûre. Un inconnu voulait m’aider et m’emmener chez lui… mais combien de temps j’y resterais, s’il n’était pas comme l’autre taré qui m’avait séquestrée ? Jamais je ne trouverais quelqu’un qui accepterait de me prendre en charge jusqu’à ce que je trouve ma mère, si elle est toujours vivante. Me porter sur son dos… ? Je n’étais pas contre, ce serait plus simple, je n’avais pas la force de marcher ou de faire quoi que ce soit. J’ai légèrement hoché la tête pour lui faire comprendre mon choix puis je me suis lentement hissée sur son dos, enroulant mes jambes autour de lui, mes mains sur ses épaules… puis je le sentais doucement se relever, ses mains qui tenaient mes jambes pour ne pas tomber et mes bras autour de son cou… Merci, sombre inconnu. Ma mère, avant, me disait souvent de ne pas forcément faire confiance à tous les loups que je croiserais dans ma vie, mais celui-ci avait l’air gentil. J’avais eu de la chance de tomber sur lui dans cette forêt.

Je luttais pour ne pas fermer les yeux, et il faut dire que ce froid m’aidait beaucoup à garder les yeux ouverts… Il débuta sa marche, il avait dit ne pas habiter très loin… elle espérait ne pas rester une éternité dehors. « L… Lullaby, ou Lula… » répondais-je timidement lorsque l’homme me demanda mon prénom. Mon âge… ? Je me mis à réfléchir. Je ne savais pas combien de temps j’avais passé dans cette cave, mais… je devais avoir pas loin des quinze ans. « Quinze ans… je crois. », je n’en étais pas sûre. Le temps passé là-bas ressemblait à une éternité. C’est ce qui se passe quand on reste enfermé sans regarder la télé ou pouvoir prendre l’air. C’était l’horreur, mais maintenant, c’était terminé. « Vous… vous habitez encore loin, monsieur… ? », je me suis permise de demander, supportant de moins en moins la température. Je ne m’étais jamais sentie aussi mal… Le froid, ce sentiment de culpabilité, ces questions que je me posais, la douleur… ce que j’aurais pas fait pour retourner un an plus tôt…
J’essayais déjà de réfléchir à un endroit dans lequel je pourrais passer les prochaines journées, je ne pensais pas qu’il pourrait me garder chez lui plus de quelques jours, et il était hors de question que je reste une soirée de plus dehors. Mais où pourrais-je aller, alors ? Je n’avais rien ni personne, à Glencullen.

(La veste ne suffit pas à la réchauffer, pas une minute a perde ou Lullaby va finir en glaçon. Le froid mordant ta peau, à travers tes vêtements, doit être beaucoup plus dur pour le petit bout de femme accrochée à ton cou. Sans aucune certitude dans la voix, elle répond à tes questions, alors que la seule question que tu n'oses pas posé te résonne encore en tête, comment en vient-on à ce qu'un enfant ne connaisse pas son propre âge. La maison te semble si loin alors qu'elle n'est qu'a quelque minute des bois, tu le sais, le poids de Lula te ralentis. Ce n'est pas aussi facile que ce que tu pensais. Est-ce encore loin ? Bonne question. "Ne t'inquiète pas. On arrive bientôt, tu pourras te réchauffer." Elle vient te sortir d'un enfer, tu la rassures de la même manière que tu n'oses pas lui demander ce qu'elle faisait ici seul, pourquoi était-elle couverte de sang. Toutes ces questions pourraient la renvoyer directement dans l'enfer qu'elle vient à peine de quitter. Tu connais cette sensation de n'avoir aucune issue, pendant des années tu la supportée, sans jamais pouvoir t'en sortir et ton histoire ne doit pas valoir grand-chose à coter de la sienne.

Trop fatiguer pour vraiment parler, tu laisses un silence planer dans l'air. Quelque seconde passe sans que vous parliez, tu sens chacune de ces respirations contre ton dos, t'assurant qu'elle est toujours en vie. "Tu n'aurais pas le numéro de téléphone de t'es parents ?" Brisant le silence, tu cherches à la ramener chez elle, malgré le doute planant toujours. Aucun parents ne parcouraient les bois à sa recherche, que feras-tu si ce sont eux les fautifs ? Aucune idée, dans tous les cas tu seras incapable de lâcher cette gamine aux mains de n'importe qui. Il ne t'a fallu que quelque seconde pour t'attacher à cette enfant, voyant Iris et toi plus jeune, tu te sens responsable d'elle en ce moment, prêt à tout pour la défendre face au monde comme tu pourrais protéger Lysander. Espérons que tout va bien à la maison également. Ton corps entier ne réclame plus que ça, rentré à la maison pour t'allonger et dormir une journée complète, pourtant tu sais que tu dois encore t'occuper de Lys, puis tu ne pourras pas dormir tant que Lula seras dans cet état.

L'orée de la forêt apparait au loin, espoir inatteignable pour le moment. T'es jambes marchent seul, ton esprit ne se concentre plus que sur son souhait de retrouver un bon matelas. T'es paupières sont lourdes, tu serais capable de dormir ici pendant des heures si tu n'étais pas obligé de rentrer, même si tu risques de te faire attraper par le premier venus dans ces bois. Le vent s'y met, la nature complète s'y met manquerais plus qu'il neige et vous auriez le gros lot.

Tremblotante, sur son dos… je ne savais pas si je pourrais être plus faible que je ne l’étais déjà. Je me sentais étrangement bizarre, mes muscles me faisaient un mal de chien, j’arrivais à peine à marcher, j’étais recouverte de sang, j’avais mal aux dents et au crâne, j’étais fatiguée, j’avais froid… pleins de choses, merde. Pourquoi ça m’arrive toujours à moi ce genre de trucs chelous ? Pourquoi c’est moi qui se retrouve allongée, en pleine journée, à poil dans une forêt et qui se fait récupérer par un mec que je ne connais pas ? La honte, putain… ‘’Ne t’inquiète pas, on arrive bientôt, tu pourras te réchauffer.’’. Si elle se sentait bien, cette petite phrase aurait pu la faire sourire… mais non, elle voulait juste entrer dans un coin chaud, sous une grosse couverte et dormir pendant le reste de sa vie. « Merci… », murmurais-je à son oreille en refermant un peu plus mes bras autour de son cou, ayant un peu peur de le lâcher.

Je respirais faiblement, j’avais aussi un peu mal dans la poitrine… sûrement à cause de ce qui s’était passé cette nuit, l’adrénaline, tout ça… Sa question sur le numéro de mes parents me fit grimacer. Bien sûr que non, tu crois que j’serais à poil sur ton dos, sinon ? « Ma mère… elle est plus là. Mon père, il a jamais été là… » arrivais-je enfin à dire malgré quelques bégaiements causés par la peur, la nervosité et le froid. Honnêtement, je n’avais aucun espoir en ce qui concernait ma mère. Il avait dû lui arriver quelque chose, elle ne m’aurait pas laissée, pas de cette manière… Là, c’était comme si elle m’avait abandonnée, et une mère ne ferait jamais cela à son enfant.

J’avais vraiment pas de bol… le vent commençait à s’abattre sur nous, je n’avais qu’un souhait : vite arriver chez cet inconnu qui prendrait, j’en étais sûre, soin de moi. Je m’en voulais de lui faire subir ce calvaire… je n’étais pas légère comme une plume, il devait peiner à me porter comme ça tout le long du trajet, mais… est-ce qu’on avait vraiment le choix, non ? Je me retenais de lui demander une seconde fois quand nous allions arriver, je ne voulais pas lui taper sur les nerfs… mais, j’avais vraiment besoin de le savoir, ça devenait affolant. « P-Putain… », mes bras se refermèrent encore plus autour de son cou, j’avais peur de le lâcher et de m’éclater à terre…

Ces lèvres soufflent un merci frigorifié qui pourtant empreint d'une grande sincérité réchauffe ton cœur. Par se simple mot, une nouvelle motivation monte en toi, l'impression de faire le bien peut te pousser très loin et c'est ce qui est en train d'arriver. Alors que ta marche retrouve un nouvel élan de gaieté les chaines du froid rattrapent ton cœur. Ces mots te tues. Pas de mère, pas de pères, aucune famille où rentré. Les secondes suspendues dans l'air, tu ressens le métal froid, collé ton cœur, le resserrer jusqu'à l'empêcher de battre. Tout devenait clair, pourquoi elle était seule, pourquoi personne ne la recherche dans les bois, elle n'a personne comme toi avant. Feignant un léger sourire puiser dans tes dernières forces, tu t'obliges à garder le moral, ignorant la douleur dans ta poitrine. "Tu seras chez toi là où on va Lula." Des mots démesurés, gérer Lysander est déjà asses difficile par moment pour que Lula ne débarque, mais tu t'en moques éperdument. En ce moment tu ne penses qu'à cette gamine de quinze ans, vivant seule dans le froid, le regard détourné des passants, la laissant seul, abandonner du reste du monde sans que personne n'ose l'approcher. Des larmes colériques perles à tes yeux. Tu ne peux pas laisser cette gamine seul dans le froid sans rien à manger ou à se mettre sur le dos.

L'envie de courir te prend avec la montée de rage, une rage de vaincre tous ses idiots l'ayant laissé à son sort. Plus que trentaine mètres avant la fin de la forêt et dix bons autre avant la maison, où elle serait enfin au chaud et rassuré. Doucement, ta marche se faisait plus rapide, son corps frêle tremblant contre ton dos, incapable de se réchauffer un minimum. Un putain résonna à t'es oreilles, donnant le départ d'une course difficile. Ces petits bras resserré autour de ton cou, penchant ton buste un peu plus en avant, les mains bien accrochées à ses jambes, pendant que les tiennes s'activent en direction de la maison. Plus rien n'as d'importance, la fatigue, le froid, le vent, l'hiver, le poids de Lula tout disparais, ne laissant que toi et la route. Avançant dans un but précis, ne souhaitant qu'une chose. Ton esprit  s'accroche te propulsant dans une énergie insondée. "On y sera bientôt" Répète tu, complètement abrutis par la colère destructrice s'accaparant chaque morceau de ton corps.

Pourquoi ce genre de choses n’arrivait qu’à moi, hein ? Qu’est-ce que j’ai fait ? J’ai rien demandé. J’ai jamais demandé de naître de cette façon, ça aurait été même mieux si je n’avais jamais connu ce monde. J’ai jamais voulu hériter de ce don, j’ai jamais voulu perdre ma mère ni me faire séquestrer par ce connard. Mais pourquoi je dis ça, de toute façon… ? Tout le monde s’en fout. J’étais sur le dos de cet homme qui venait de me trouver dans les bois, les larmes aux yeux, gelée. J’étais au fond du gouffre. Si je pouvais mettre fin à ma vie, je l’aurais fait à cet instant. Mais cet homme qui me portait n’était pas décidé à me lâcher, c’est ce que j’ai pu comprendre lorsqu’il me dit que j’étais chez moi là où on irait : chez lui. Ces mots touchèrent le plus profond de mon être. Sans même connaître cette personne, je savais déjà que, pour la première fois de ma vie, j’avais une place chez quelqu'un, une place dans son cœur… un endroit où appartenir. Ces pensées me donnaient envie de fondre en larmes de joie. Mais est-ce que je voulais plus l’inquiéter qu’il ne l’était déjà ? Non, aucunement.

Les yeux fermés, je pouvais sentir ses pas s’alourdir mais s’accélérer. Lui aussi souffrait, il devait sûrement ressentir le poids de mon corps frêle sur son dos, lui aussi avait sûrement passé une pleine lune horrible… et j’avais vraiment l’impression d’être un calvaire pour lui, bien que je ne lui avais rien demandé. Quand on serait chez lui et que je me serais raffistolée, je l’aiderais. Je ne sais pas de quelle façon, mais je l’aiderais et le remercierais. Je ne répondis pas à son petit avertissement sur la distance qu’il restait avant d’arriver chez lui puis je l’ai laissé me porter, ses bras refermés autour de mes jambes, j’étais en sécurité avec lui…

Je réouvris les yeux en entendant le crissement d’une porte. On était arrivé chez lui. Pour l’aider, j’ai légèrement bougé ma jambe pour fermer la porte de la maison puis je l’ai laissé me transporter jusqu’au fauteil où il m’assit délicatement, toujours recouverte par son manteau. Je tremblotais, les bras croisés… La cheminée qui se trouvait près du canapé commençait à me réchauffer et ma peau en était témoin. Lula, ça va aller mieux.

Enfin arriver, tu pousses la porte d'un coup d'épaule mollasson pour rentrer, ignorant la baby-sitter affolé tu poses la gamine dans le canapé, là où elle pourra dormir tranquillement. Tu te fous complètement de savoir que la baby-sitter pourrais appeler les flics au vus de ton entré étrange, tu te fous que tu aies joué les héros quelque minute plus tôt, plus rien n'a d'importance, mis à part ton envie de t'allonger sur un lit douillet. Une fois la baby-sitter jeté dehors, tu lances un regard dans la chambre de Lysander. Tout va bien, il est sain et sauf après cette nuit d'abandon. Lâchant tes fringues dans le couloir, tu te diriges d'un pas lourd vers ta chambre où tu tombes comme une masse sur le matelas, profitant de la chaleur ambiante d'une maison vivante. Les jambes endolories, asses lourde pour traverser le lit et toucher le sol. Elles t'empêchent de sombrer directement dans un sommeil réparateur de plusieurs jours. Ezekiel rentreras bientôt aussi, tu peux t'endormir sans qu'aucun problème n'arrive dans la petite maison, maintenant remplie de quatre habitants. Bercé par la douceur de ton lit tu t'endors pour te réveiller le lendemain, avant de te rendormir à plusieurs reprises, portant toujours une attention à Lysander toujours un peu délaissé ce jour de fatigue post lunaire, cette fois ça à durer plus longtemps à cause de ton escapade. Heureusement qu'Ez est là pour veiller sur lui quand toi tu dors à point fermer.

Pendant tes sommeils, tu rêves, flottant d'un nuage merveilleux à un rocher cauchemardesque, jusqu'à finir par te réveiller. Dans tes songes, tu vois souvent Isa et Lys, comme une famille normal et heureuse, la petite Lula apparait parfois, jouant avec Ezekiel sous forme de loup, une forme de famille bien moins normale, mais ta famille tout de même. Après cette longue nuit, une discutions avec la petite devras avoir lieu, une pluie de questions n'ont toujours pas été posés. Tu devras la présenter aux deux autres, expliquer le principe d'intimité à Ez aussi, parce que le connaissant, il va la voir comme une louve et rien d'autre revenant nu dans la maison après être repassée de loup à humain. Mais pour le moment, tu profites de la journée pour dormir, rien ne pourras t'empêcher de continuer tant la fatigue tiraille chacun de tes membres, empêchant le moindre mouvement de ta part. Bonne nuit.