Sujet: Trait pour trait Ft. Khéops Vandekeybus Mar 24 Mai - 19:09
Yu Lan n’avait pas spécialement prévu ce petit détour par le commissariat. Mais lorsqu’elle voulait voir Jiang Li ce dernier semblait le deviner pour lui filer entre les doigts comme une anguille. C’était presque toujours comme ça et après il se demandait pourquoi elle forçait la porte de son appartement histoire de l’y attendre directement. Bref, peu importait de toute façon. Pour l’heure elle avait griffonné quelques mots de chinois histoire de lui demander poliment (et avec ce qu’il fallait de menaces en tout genre…) de venir la voir chez elle lorsqu’il aurait un moment de libre. Il fallait qu’il la brief sur encore pas mal de choses et Yu Lan n’était pas le genre de femme à aimer se tourner les pouces alors qu’elle avait encore des tas de choses à faire.
Rapidement elle détache le foulard qu’elle avait noué négligemment autours de son cou puis vient l’y ré-enrouler calmement, s’intéressant assez peu à ceux qu’elle croise. La plupart de ceux-là ne la remarque probablement pas non plus de toute façon. D’une démarche souple mais rapide elle comptait quitter les lieux sans se retourner mais les choses se passant rarement comme elles sont prévues, le pas de Yu Lan s’arrête à mi-parcours de la sortie du bâtiment. Son regard en amande longue est posé sur un homme assit un peu plus loin. Un dessinateur en fait. Elle se rapproche sensiblement, observant par-dessus l’épaule de l’homme. Il avait fait un premier portrait robot assez grossier et s’appliquait à le redessiner pour lui donner un peu plus « visage humain ». Le premier était probablement une ébauche fait à chaud avec le témoin. Yu Lan avait toujours trouvé ces portraits très mécaniques et dénués d’âme. Sans manquer de physionomie elle avait pourtant de la difficulté à reconnaitre des visages dessinés de cette façon…
Pourtant, sur ce second dessin que l’homme faisait, les courbes et les angles avaient été adoucit ou renforcés, selon. C’était le portrait d’un homme qui devait avoir été beau à une époque mais qu’une cicatrice défigurait à demi du front jusqu’au milieu de la joue. Allez savoir ce qu’il avait fait pour mériter qu’on lui tire ainsi le portrait.
Le dessinateur, sentant sûrement sa présence se retourne, levant la tête vers elle et Yu Lan en vient à son visage. Rien qu’assit il semblait très grand mais la minceur évidente de toute sa silhouette devait lui donner l’air d’un géant en allumette une fois debout. Son visage était fin, ses joues légèrement creusées… Mais loin d’avoir l’air malade avec ces traits pourtant peu harmonieux sur le papier, l’homme tirait une certaine grâce de ces caractéristiques. Peut être même quelques noblesses. Ou alors son jugement était biaisé parce que les courbes de son regard faisaient indéniablement de lui un asiatique. Il en avait le visage mais peut être pas les origines ceci étant dit. Un ange passe… Et sentant qu’elle se devait de s’excuser pour son insistance passive, Yu Lan ouvre la bouche.
« Je ne voulais pas vous déranger. J’ai été curieuse devant vos talents de dessinateur. »
L’art l’avait toujours un peu subjugué. L’art ancien plutôt que le nouveau, elle avait du mal avec les concepts à la René Magritte et même le cubisme, par exemple, n’avait que rarement ses faveurs. Bref. Elle l’étudie encore un bref instant, ses cheveux courts, noirs, bien coiffés… Sa peau d’albâtre et les longs cils qui semblaient agrandir le regard sombre. Ses lèvres assez généreuses pour un homme, aussi, qui sans lui donner la moindre androgynie à ses yeux adoucissaient néanmoins ses traits les plus durs.
Sur ce sujet elle ne mentait pas ! Honnêtement, elle en venait même à se demander si c’était un simple caprice de l’homme en face d’elle ou une vraie demande de la police locale.
« Vous travaillez uniquement comme dessinateur pour la police ? Si oui, je suis certaine qu’il s’agit d’une offense à votre talent. »
Elle vient présenter sa main ensuite à l’homme, polie et connaissant quand même le B-A-BA de la présentation à l’européenne.
« Mademoiselle Mao. Et vous êtes ? »
Son accent à elle était plutôt bien marqué quoi que son anglais soit pour ainsi dire parfait, dans ce qu’il avait d’académique. Et il lui tardait un peu de savoir si ce jeune homme là n’avait d’asiatique que le faciès ou bien si, le monde pouvant parfois être si petit, il arrivait lui aussi d’un de ces territoires qui paraissaient si exotiques aux gens d’ici…
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Sujet: Re: Trait pour trait Ft. Khéops Vandekeybus Mer 25 Mai - 2:37
TRAIT POUR TRAIT jeudi après-midi ± 14:37
Je n'étais pas présent le soir de la tragédie. Cette soirée de St Patrick, je m'étais endormi. Aussi simple et ridicule que cela puisse paraître. J'étais rentré du travail, je m'étais fait couler un thé que j'avais siroté en lisant quelques articles de différents blogs consacrés à la mode, puis je m'étais endormi sur celui que je tenais à l'époque. Plaisir gardé de mon ancien moi, de cet être enterré entre les côtes d'Ombe. Des côtes blanches poussiéreuses reposant dans le cimetière. Lieu que je n'avais traversé que pour lui dire adieu. Puis plus jamais. Je m'y étais toujours refusé. Je ne voulais pas. Je ne pouvais pas. Elle m'avait accompagné jusqu'à ma libération, je l'avais mené à la mort. Elle avait été le prix de ma guérison, de mon renouveau. Parfois il m'arrivait de penser, de réfléchir, si j'avais eu le choix, si j'avais su les conséquences de cette virée en forêt...y serais-je quand même allé ? Aurais-je choisi de sacrifier consciemment la femme que j'aimais pour me libérer d'une maladie qui m'aurait tué en quelques mois ? Glencullen était sensé être le lieu où je me serais éteint. Pas elle. Ce n'était pas comme ça que ça aurait dû marcher. Ici, elle aurait été heureuse, elle. La vie de mannequin ne lui avait jamais plu, son corps l'y avait poussé, la faim également. Une nuit elle m'avait confié avoir toujours rêvé d'ouvrir une boutique de fleurs. Elle avait rit. Elle s'était trouvé stupide. Cul-cul. Elle avait été tout le contraire. Je ne m'avancerais pas trop en affirmant que c'est ce soir-là que j'ai commencé à la voir comme elle était réellement. Une créature pleine de lumière cachée sous une carapace de défense. Une nymphe balancée dans une arène de flashs et défilés. Une arène où personne n'entend les cris des corps amincis, malades, retouchés, abattus sous les centaines de flashs et tonnes de vêtements. J'avais toujours compatis au quotidien des mannequins de l'agence dans laquelle je travaillais. Pour avoir traversé ce chemin tortueux et remplis de poignards sourds qui s'enfoncent dans des côtes trop maigres, je comprenais. Je comprenais les regards qui s'éteignaient, les personnalités qui devenaient froides, perçantes, inhumaines. Ombe, elle était comme ça aussi au début. On se parlait pas beaucoup. Je la méprisais un peu aussi. Puis le sort nous avait voulu mariés. Et ainsi les choses fut faites.
Mais Ombe elle était plus là. Ombe elle était morte.
J'avais découvert les morts le lendemain matin, en me levant, en découvrant la panique encore présente dans les rues. Les périmètres policiers, les rues bloquées, les boutiques fermées, les sacs mortuaires par dizaine. J'étais resté interdit. Comment en être autrement ? J'avais un cœur, j'étais humain, du moins encore un peu. Assez pour sentir l'horreur qui s'échappait des sacs. Assez pour me rendre compte...qu'on était tous dans la merde. Que ça prenait de l'ampleur. J'aurais pu décider de partir, de faire mes valises. Après tout, mes dessins, je pouvais les faire partout. Et le Jonnhie...ils se trouveraient rapidement un nouveau serveur. Ça, je ne me faisais pas de soucis pour eux. J'aurais pu fuir, j'aurais pu faire mon malin et tirer ma révérence. C'est ce que les gens intelligents font, ils se terrent ailleurs en attendant que le vent tourne. Mais j'étais un peu con, un peu distant...je voyais ces corps, je comprenais le massacre, je comprenais la gravité, mais...elle ne m'avait pas atteinte comme elle aurait dû. Peut-être que les morts dans des sacs m'atteignent moins que ceux sur les défilés. Ils étaient morts. Ni plus, ni moins. Ce n'était plus à eux de souffrir, c'était à leur entourage. C'était pour eux que j'éprouvais une peine légère. Mais point trop n'en fallait. Je n'avais jamais été de ceux qui s'étendent en bon sentiment et proposent la moindre aide possible. Non. J'avais toujours fait figure de chef d'orchestre juché sur son bloc de bois. Trop présent pour n'être qu'un fantôme, mais pas encore assez présent pour me faire éclabousser par la souffrance et l'empathie. Est-ce que ça faisait de moi quelqu'un sans cœur ? Peut-être, je ne savais pas, j'en avais rien à faire. J'avais déjà pleuré assez de gens dans ma vie pour m’épancher sur chaque cadavre de la place publique.
Je portais la tasse de café posé sur le bureau à mes lèvres. Je bu une gorgée avant de reposer la tasse, à côté de la lampe de bureau éteinte. Un bref coup d’œil au cadran accroché à mon poignet m'informa sur la durée de ma présence en ce commissariat. Deux heures. Et seulement deux portraits de terminés. Je n'étais pas dès plus efficace, et je blâmais le manque de sommeil pour cela. La nuit dernière avait été...agitée. En fait, Olive n'était pas à la maison que je suis rentré. Elle n'était pas là. Du coup, en bon maître que j'étais, je l'ai cherché. Une heure. Deux heures. Trois heures. Pour finalement la retrouver dans un terrain vague près de Dublin. J'aurais pu la laisser rentrer toute seule, j'aurais pu me dire qu'elle s'était juste trouvé un copain et qu'elle passait du bon temps. J'aurais pu ne même pas remarquer son absence. Mais j'avais besoin d'elle. Cette brave bête. Je n'avais jamais eu de chien avant. Mais elle, elle m'aidait à dormir. Avec sa petite tête sur mon mollet droit. Je pense qu'elle le savait, qu'elle m'apaisait. Peut-être un truc entre chien et loup. Qu'est-ce que j'en savais moi. Exactement, rien du tout. Je retournais donc à mon portrait. Il s'agissait du deuxième jet. Le premier était fait en compagnie du témoin. Chaque souvenir était jeté sur mon papier, la forme grossière du nez, les yeux, la couleur, les cheveux, les signes distinctifs. Une forme floue et figée, parfois fausse de par l'empressement, la peur, la panique. C'est après que j'entrais réellement en scène, car si ce n'était que ça, autant confier le job à un agent du commissariat. N'importe qui peu faire des croquis. Seul un artisan du crayon et des encres pouvait apporter vie au papier, aux traits, aux couleurs. C'est pourquoi j'étais là. Pour raviver des êtres humains, et non plus des souvenirs.
Une sensation vive d'être observé, de ne plus être seul dans ma sphère privée. Je tournais mon visage. Une inconnue.
Ses traits fins et féminins suspendirent le temps quelques secondes, mes sourcils se fronçant légèrement. J'ignorais de qui il s'agissait. Et je n'aimais pas ne pas savoir qui étaient les personnes qui se permettaient de se tenir aussi près de moi. Ça me rendait mal à l'aise. Sentiment que je camouflais très bien sous des airs froids et distants. Était-elle une stagiaire envoyée vérifier que l'artiste fait bien son travail ? Non...un rapide coup d’œil à son entièreté me dissuada de ce jugement. Trop de prestance pour n'être qu'un échelon du bas. Le silence régna quelques secondes avant qu'elle ne prenne la parole. Sa prononciation, bien que parfaite, me servit ses origines sur un plateau doré et je mentirais en disant que je ne me sentis pas un temps soit peu rassuré. C'était stupide. Je ne la connaissais pas. Mais elle ne venait pas d'ici. Moi non plus. Elle avait les traits caractéristiques de nos pays d'origines et moi de même. Bien que je n'ai jamais vécu en Corée du Sud, patrie de ma grand-mère maternelle, j'en gardais un grand sentiment de mal du pays. Un sentiment qui ne s'éteignait jamais. Peut-être un jour me sentirais-je chez moi ailleurs que dans mes présomptions de la vie de mes ancêtres.
- Il n'y a pas de soucis. répondis-je en reposant le crayon que je tenais auparavant dans mes mains.
Ses réflexions sur mes portraits me tirèrent un rire court et soufflé, de ceux qui font sursauter un peu la tête et s'échappent par le nez. Moqueur. Cynique. Un peu des deux. Mes portraits robots n'étaient pas vraiment jolis. J'avais déjà du mal à rester accroché à la réalité. Me connaissant, si je ne me retenais pas, il n'y aurait plus rien de similaire entre le jet un et le rendu final. J'y aurais trop fait, j'aurais oublié qu'il s'agissait d'un potentiel criminel. J'aurais approfondi les yeux, fourni d'avantage les cils, j'aurais affiné cette balafre si peu esthétique, j'aurais coupé son cou pour un rendu plus saillant. J'en aurais fait un autre. Je me serais perdu dans mes occupations habituelles. Mais l'exercice en valait la chandelle. J'avais le sentiment d'aider à ma manière à choper les salops qui mettaient en danger nos modes de vie. Ces cons risquaient de nous révéler au monde. Impensable. Et puis...un pied dans le commissariat, ce n'était pas négligeable. En tendant l'oreille j'entendais souvent plus que ce que j'étais sensé savoir. Vraiment pratique. La femme debout derrière moi se présenta, me tendant la main. Je restais immobile quelques secondes avant de me racler la gorge et me lever, me redressant après deux heures d'assises. Mon dos grinça de mécontentement et ma hanche craqua. Souvenirs bruyants de mon passé à maltraiter mon corps pour rendre des clichés toujours plus originaux et singuliers. Je tendis à mon tour ma main vers l'agent Mao afin de serrer la sienne.
- Vandekeybus, c'est belge. Enchanté. Et non, je suis illustrateur. Si on m'a proposé de participer, je suppose que c'est uniquement car je suis établi ici. répondis-je avant de relâcher la douce main de la femme. Je pris un peu plus le temps d'examiner mon interlocutrice. C'était une jolie femme, plus âgé que moi, mais ce n'était pas un mal à son aura. Elle me rappelait les modèles qui savaient comment ça marchait, qui savaient ce qu'on attendait d'elles, qui faisaient le boulot bien comme il le fallait, proche de la perfection. Pardonnez ma curiosité certainement déplacé mais, cela fait-il longtemps que vous travaillez à Glencullen ? Vous m'êtes totalement inconnue.
Sujet: Re: Trait pour trait Ft. Khéops Vandekeybus Sam 28 Mai - 11:22
La voix est grave. Beaucoup plus que ce à quoi elle s’attendait et bien qu’elle ne laisse pas paraître toute cette surprise, c’est ce qu’elle éprouve oui. Elle n’en restait pas moins bien modelée et harmonieuse, cette voix là. Par contre, si un léger accent perçait effectivement, Yu Lan aurait été bien en peine de déterminer d’où il venait. C’était difficile de reconnaître la plupart des accents dans une langue étrangère. En tout cas ça n’avait rien d’asiatique à ses oreilles. Ca ne lui faisait pas perdre de point cela dit.
Les longues mains aux doigts encore plus longs reposent le crayon… Et Yu Lan remarque avec un petit sourire fugace le gris de la mine qui avait tâché la pulpe des doigts de l’illustrateur. Elle s’attendait presque à lui trouver des miettes de pain dans les manches à ce stade. En tout cas s’il avait l’air de l’artiste jusqu’au bout de ses ongles devenus argentés, l’homme semblait prendre sa situation d’un tout autre angle. Il n’avait pas développé, se contentant de sortes d’onomatopées mais visiblement quelque chose l’avait aigrit.
Il se lève… Et Yu Lan relève les yeux et légèrement la tête pour continuer d’accrocher son regard. Elle avait raison : c’était un géant. Un géant tout fin mais aux articulations un brin noueuses et solides, lui semblait-elle. On aurait pu croire qu’à souffler un peu trop fort sur lui le dessinateur aurait chancelé mais elle savait déjà qu’il en faudrait bien plus que cela. Quant à son regard, il exprimait encore plus ce sentiment aigre qu’elle avait perçu quelques instants plus tôt dans son attitude. Il y avait dans ces deux billes noirs quelque chose d’éteint… Et elle n’aurait su dire si des braises couvaient encore. Qu’importe ce par quoi cet homme là était passé, elle aurait parié qu’à le lui raconter, il aurait eu beaucoup de choses à dire.
Au fond sur ce point là ils étaient pareils. Très différent oui, bon… Mais à chacun sa croix comme on dit. Elle aussi avait des bagages qui la suivaient toujours, qu’importe où elle allait ou depuis combien de temps elle les trimbalait. C’était toujours un peu le cas de ceux qui comme elle avaient grandis dans l’Organisation. Ca lui fait soudainement penser à Jiang Li et l’espace d’une courte seconde elle se sent vraiment triste.
Sa poignée de main lui est rendue et l’homme se présente. Yu Lan sait déjà que ce sera tout un travail de diction pour elle que de répéter ce nom de famille là ! Aussi le répète t-elle plusieurs fois dans sa tête en espérant l’assimiler plus vite.
« Visiblement c’est un petit bout de pays qui attire bien des étrangers. »
Elle a un sourire, convenant que « belge » ça pouvait bien coller avec l’accent de l’homme, après tout.
« Alors c’est du bénévolat ? »
Ou bien il était rémunéré tout de même ? En tout cas :
« Qu’importe comment vous jugez ces portraits robots, je suis sûre qu’ils permettent d’avantage d’arrestation que leurs petits frères. »
Le tout en montrant l’autre portrait, fait en amont et beaucoup plus dans la veine de ce qu’on avait l’habitude de voir.
« Donner une âme à un visage sur du papier, c’est être l’apprenti de dieu. »
Un très jeune apprenti parce que les hommes n’iraient sans doute pas au-delà mais c’était dire comme elle plaçait l’art en général en très haute estime. Et par « dieu » il était moins question de croyance que d’idéologie. Le bracelet mala autours de son poignet était moins une coquetterie qu’un signe réel de son appartenance à une branche bouddhiste.
« Je ne travail pas ici. Pas vraiment. »
Et parce qu’elle n’avait pas de mystère à faire à ce sujet, du moins dans les limites de sa « couvertures », Yu Lan poursuit :
« Je suis une diplomate chinoise. Je n’interviens pas dans les affaires locales et je suis arrivée très dernièrement. »
Elle remonte une main pour ramener une mèche toute fine qui menaçait de s’échapper sur son front dans sa coiffure.
« Mon consulat est en affaire suite au massacre de touristes de mon pays. Alors je suis l’affaire et je m’assure qu’elle trouve son dénouement. »
Même si officiellement peut être qu’elle n’en aurait jamais. Officieusement c’était obligé en revanche. Jiang Li n’était pas le genre d’homme qu’on pouvait détourner de sa mission et en fait… Elle non plus.
« Vous exposez parfois ? »
Il avait dit être illustrateur non ? C’était un terme très vaste. Peut être faisait il de la bande dessinée, de la publicité ou encore des expositions justement. Le sujet avait un réel intérêt pour elle et il ne s’agissait pas que de curiosité polie non.
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Âge : déjà trop vieux pour prétendre avoir encore une once d'innocence en lui, mais encore pas assez pour ne plus être surpris de la vie, il affiche vingt-sept années.
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Sujet: Re: Trait pour trait Ft. Khéops Vandekeybus Dim 5 Juin - 16:39
TRAIT POUR TRAIT jeudi après-midi ± 14:40
Je hochais doucement la tête, appuyant ses propos sur la fréquentation et le taux d'exotisme du lieu. Glencullen était en effet un lieu bien étrange. J'aurais tout aussi bien pu atterrir quatre villages plus loin. Ma vie n'en aurait été que plus courte, peut-être plus heureuse, mais certainement très différente. Pas de lune. Pas de loup. Pas tant de morts. Juste la mienne, au bout des mois de dégénérescence. Fin de l'histoire. En arrivant ici il y a deux ans, j'avais eu l'impression de tomber dans le village typique British. Je me souvenais encore du nombre de fois où je m'étais plains à Ombe. Je ne me sentais pas à ma place, je ne me sentais pas bien. D'aucun diront que c'était la maladie. Moi je savais que c'était le lieu. Je n'avais plus trouvé aucunes figures de ralliement. A Amsterdam, dans le milieu de la mode, il y avait tout type de visages, de corps. Des peaux noires, jaunes, ternes, ivoire. Des visages fins, acerbes, étranges, harmonieux. Personne ne se ressemblait. J'aimais cette diversité. Fait que je n'avais pas retrouvé à Glencullen. Je m'étais senti perdu. Largué. Je me retrouvais dans un trou paumé où tout le monde a vécu la même vie de pacotille, emmerdante à souhait. Les histoires étaient les mêmes, les voix ne changeaient pas, les maisons se tombaient dessus dans un ramassis de couleurs identiques. Où était la folie ? Où était l'exubérance ? Toutes ces choses qui avaient fait de moi celui que j'étais. Celui que j'avais laissé à Amsterdam. Celui qui me manquait. Tout les jours un peu plus.
- je suis rémunéré pour les portraits, et la satisfaction d'aider à avancer un temps soit peu l'enquête est un ajout suffisant pour compenser les heures passées ici. lui répondis-je sur un ton neutre, mais loin d'être agressif.
Un peu froid, peut-être, mais là résidait mes habitudes, mes instincts de survie. Je ne savais pas qui j'avais en face de moi et si ses traits m’insufflaient biologiquement la confiance, je ne pouvais me permettre un tel risque. Le diable se cache sous le plus beau des visages et les poignards dans le dos sont souvent plantés par des pairs. Le fait que ses yeux d'amande me rappelaient ceux de ma mère ne devait pas me faire baisser la garde. En aucun cas. Ses mots à l'égard de mes portraits me firent baisser les yeux sur les feuilles blanches couvertes de traits fins et appuyés.
- Rendre les mots des témoins vivants, les matérialiser sous forme de portraits réalistes, c'est une tâche plus compliqué qu'il n'y parait. Ce n'est pas seulement les rendre plus vrai, c'est déjà les considérer comme des êtres humains. Les ordures responsables de ces meurtres. En les dessinant, je me familiarise à eux et je suis, aujourd'hui, incapable de dire quelle serait ma réaction si je venais à leur faire face en dehors de ce commissariat. dis-je à nouveau, sur un ton plus bas cette fois-ci.
Je ne tenais pas nécessairement à ce que tout le lieu m'entende confier que je ne serais peut-être pas en mesure d'arrêter ou d’éprouver une quelconque haine envers ces personnes que j'aurais dessiné. Parce qu'en les dessinant, en m'attardant sur les courbes, je m'attachais. Comment expliquer à un commissaire, un agent, un civil, que passer des heures sur une paire d'yeux d'assassin vous fait perdre toute haine ? L'attention que je portais à ces ordures, elle me rongeait, et je le sentais. C'était dangereux. Mais je devais venir en aide aux forces de l'ordre. Mon talent, mes crayons et mes encres ne devaient pas rester planquées en ces temps d'horreur.
Mao m'indiqua alors la raison de sa présence. J'apprenais qu'en Chine des événements similaires se produisaient. Ce n'était donc pas une spécificité de Glencullen, cette tragédie n'était pas un acte isolé. Si cela se produisait jusqu'en Chine, qui pouvait dire quelle était l'étendue de ces criminels ? Etaient-ils tous en corrélation ? A quoi étions-nous en train de faire face ? Le mystère s'épaississait encore une fois et je me trouvais l'espace de quelques secondes totalement dépité. Abattue. Quelques secondes seulement. Le temps de me dire que j'aurais peut-être mieux fait de jamais foutre les pieds ici. Mais dans ce cas, mes pieds auraient fini dans une tombe très vite. J'aimais trop la vie. Et si pour vivre il fallait faire face à des monstres dont on ignorait jusqu'au réel visage...alors ainsi soit-il.
- je vois. Je suppose que pour maîtriser aussi bien l'anglais, ce n'est pas la première fois que vous quitter le territoire chinois. Je vous aurais bien souhaité la bienvenue à Glencullen, mais les jours et semaines à venir risquent de ne pas être une partie de plaisir si ça continue sur cette lancée.
J’éprouvais une réelle curiosité pour la personne en face de moi. Il n'y avait pas beaucoup de personnes intéressantes à Glencullen et entre les loups de meutes rivales, les sorciers et les humains lambda...peu suscitaient chez moi de l’intérêt ou autre chose que de la répulsion. Là, tout le contraire. Et l'inconnue éveillait toujours une certaine excitation chez moi. Qui était réellement Mademoiselle Mao ? Que pouvait-il se cacher derrière ce visage aux traits graphiques, cette voix aux consonances d'ailleurs et ce grade qui ne laissait envisager qu'une carrière impeccable ? La conversation prit un nouveau virage alors que le focus revint se poster sur mon métier. Un léger et fugace sourire en coin se dessina sur mon visage dorée. Dire que peu s'intéressaient à mes productions n'était pas faux...mais pas tout à fait juste non plus. Le fait est que je ne parlais pas à beaucoup de monde, je n'en voyais pas l’intérêt. Alors aborder mon métier premier...la majorité ne me connaissaient que pour mon emploi le week-end au pub. Sans plus.
- Exposer ? Non. Je ne m'estime pas encore assez bon et singulier pour exposer mes œuvres personnelles. Un jour, peut-être. Mais pas ici, ailleurs. En attendant j'illustre des livres pour enfant et des visuels de personnages pour des projets en tout genre. C'est très varié, et tant mieux. répondis-je sur un ton plus léger, moins froid, moins distant. Vous vous y connaissez en art visuel ?
Sujet: Re: Trait pour trait Ft. Khéops Vandekeybus Dim 12 Juin - 13:16
Spoiler:
Désolée, j'ose à peine relire parce que c'est pas sortit comme je voulais, j'espère que l'essentiel est compréhensible en tout cas xD
Le moins que l’on puisse dire c’est que son vis-à-vis était peu expressif. Pas « inexpressif ». Juste « peu ». Que ce soit par pudeur, fierté ou pour cette raison qui lui faisait briller les yeux d’un éclat obscure, ça en rajoutait certainement à son côté un peu princier même si le prince vivait dans un palais de pauvreté sans doute. Ce n’était pas en vendant quelques portraits dans un commissariat de seconde zone qu’on s’attirait une fortune, n’est-ce pas ? Quoi qu’il en soit ses raisons de le faire restaient nobles et Yu Lan salue l’entreprise d’un petit mouvement de la tête.
« Même le plus petit rouage est indispensable pour que la machine fonctionne. »
Alors Yu Lan n’était pas de ceux qui minimisaient l’impacte du travail d’un artiste dans un endroit comme celui-là. D’ailleurs, si elle l’avait pensé un peu plus tôt cette fois elle le lui avoue de vive voix pour renforcer ce qu’elle venait de dire :
« Je me trouve physionomiste sans trop. Disons que je suis dans la norme. Mais je ne crois pas que je reconnaîtrais mon propre portrait sur ceux qu’il est de coutume de faire. Ils n’ont pas d’âme, pas de dimension. Ce sont des traits grossiers que je pourrais voir sur presque n’importe qui dans la rue. »
Et montrant d’un signe discret et court de la main le portrait délaissé, elle affirme :
« Lui, même s’il n’est pas tout à fait terminé, je suis sûr que je le reconnaîtrais. »
Ca faisait une importance de taille à son avis. Elle n’avait plus l’impression de regarder un morceau de bande dessinée mais bel et bien quelque chose de réel au moins. Vandekeybus lui-même s’exprime un peu sur le sujet et Yu Lan suit avec intérêt, hochant imperceptiblement la tête par moment pour montrer qu’elle suivait bien. Ceci étant dit, avec un sourire amusé, elle demande :
« Vous ne croyez donc pas que nous sommes innocents jusqu’à ce que notre culpabilité ait été approuvé par un jury ? »
Mais avant que son homologue n’ait éventuellement pu répondre, elle ajoute :
« Ne vous inquiétez pas : moi non plus. »
Parfois il fallait aller chercher le mal soit même et pas auprès d’inconnus qui se feraient raconter des mensonges par des hommes et des femmes qu’on payait pour inventer des fables. Quant à ce qu’on en faisait… Cela dépendait du crime, sans doute. Mais ne faisait-elle pas trop l’amalgame avec l’Organisation et la chasse qu’ils opéraient ? Bref.
« Je crois qu’il ne vous appartient pas de vous dresser face à un criminel. »
Lorsqu’on n’était pas entraîné, mieux valait s’en tenir à ce qu’on savait faire plutôt que de jouer les héros. Après cela donnait des massacres comme celui pour lequel elle était là… Tous ces jeunes chasseurs chinois… Des touristes pour les autorités. Ils n’étaient pas prêts, elle n’avait cessé de le dire et on les avait tout de même envoyés, dans son dos, profitant de sa présence. Une sourde colère bourdonnait à ses oreilles rien que d’y penser.
« Il vaut mieux laisser faire les personnes compétentes. »
C’était pour ça que Jiang Li était ici. Et elle aussi, sans fausse modestie. Elle a un sourire à propos de son accent, confirmant d’un petit mouvement de la tête en même temps qu’elle reprend :
« Je suis diplomate, c’est un peu l’histoire de ma profession que de voyager beaucoup. Vous retournez en Belgique parfois ? Du moins vous venez bien de là bas ? »
Et pas seulement son nom de famille quoi ! Lui aussi avait un accent, elle y avait pensé, lorsqu’il avait finalement ouvert la bouche. Mais c’était trop difficile pour elle que de le situer.
« Je ne suis pas encore bien au fait des évènements. Si vous pouviez m’en faire une synthèse éventuellement… Maintenant ou à une autre occasion, nous pourrions nous revoir pour bavarder. »
De ça mais aussi d’art, pourquoi pas ? Yu Lan en était friande ! Elle espérait que l’homme n’hésiterait pas à lui ramener quelques clichés voir quelques travaux plus petit, pour le plaisir des yeux et du cœur. En tout cas elle visualisait pas trop mal le travail actuel du Belge. Beaucoup d’artistes étaient sur le marché mais peu trouvaient de la reconnaissance de leur vivant. Morts, toujours aussi peu d’entre eux finissaient par devenir célèbre de toute façon. Etre un artiste à notre époque c’était un peu être un martyr moderne en somme. Un esclave de son art, de son talent et de ses émotions. Peut être qu’au fond Yu Lan avait une empathie et une fascination respectueuse pour cette sorte de torture auto-infligée.
« Je suis très réceptive à l’art quoi que pas forcément à « tout » l’art. Cela me détend ou m’aide à trier mes émotions plus vives. Ca me touche et m’aide à l’introspection. C’est une aide précieuse dans ma religion. »
Le tout en touchant plus ou moins consciemment le bracelet mala à son poignet. La méditation faisait partie intégrante de sa pratique du bouddhisme. Mais nul besoin de se retrouver en tailleur au centre d’une pièce vide, mains sur les genoux avec les pouces et les index formant des « o » parfait pour méditer. C’était d’ailleurs à cela que lui servait ce bracelet : pouvoir prier à n’importe quel moment de la journée, elle qui était toujours en vadrouille. Alors il n’était pas rare de la trouver dans un musée, debout, comme hypnotisée par un tableau, faisant rouler une à une les perles de jade de son bracelet entre ses doigts en récitant mentalement quelques mantras.
« J’espère que je ne vous fait pas peur à parler de religion. Je sais que c’est un sujet sensible en Europe. Mais le bouddhisme n’a jamais été pointé du doigt il me semble. Même ici on le considère presque plus comme une discipline que comme une religion bien souvent. »
Elle ne détestait pas cette vision du bouddhisme, pour être honnête.
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Sujet: Re: Trait pour trait Ft. Khéops Vandekeybus Jeu 23 Juin - 17:38
Spoiler:
Toutes mes excuses pour le retard, en ce moment mon planning me rend folle
TRAIT POUR TRAIT jeudi après-midi ± 14:40
C'était à coup sûre le plus de conversation que j'avais eu ces derniers jours. Voir semaines, sans compter Leanna car nos discussions n'étaient en aucun similaires à celle qui se jouait sous mes yeux. Pas meilleures, pas pires. Seulement, différentes. La jeune femme était le genre à ne pas user de longues phrases aux valeurs ancrées et profondes. C'était léger. Ca me faisait du bien. Ca me faisait souffler. Surement car elle était bien plus jeune que moi. Surement parce qu'avec elle j'oubliais un peu le monde dans lequel nous vivions...mais allait-ce durer longtemps ? Rien n'était moins sûre. Je me lassais vite, et c'était le risque. Le risque de blesser la personne car l'intérêt est parti. Le risque d'accorder trop d'importance trop vite à une présence qui finira forcément par s'effacer. Les gens viennent et vont. C'est ainsi. Je m'y étais fait. J'avais su m'adapter aux aléas, aux allés et venus. Je savais me satisfaire des nouvelles rencontre sans me forcer à anticiper l'avenir de la relation. Quelle soit amicale, amoureuse ou professionnelle. Et Mademoiselle Mao était une bonne surprise. De celle que l'on se dit qu'on aurait loupé un truc. Parce que derrière ce visage stricte et cet accent maîtrisé, je sentais bien plus. Et en effet, je sentais beaucoup. L'encre. Le parfum. Les cosmétiques. Le gel douche. L'air ambiant du commissariat. La cigarette, soit elle fumait, soit elle passait énormément de temps en ces lieux où l'odeur de clope était dès plus intense. En soit, les effluves qui se dégageaient d'elle ne tiraient pas la sonnette d'alarme. Mais derrière tout ça. Derrière le parfum. Derrière le rouge à lèvre. Derrière les pigments. Il y avait un arrière-goût de poudre. De fer. De métal. Naturellement, rien d'anormal pour une agent de l'ordre...mais c'était différent et rien que pour cela, je me devais de faire attention. Je ne pouvais me permettre d'abaisser ma garde. En aucun cas. Et ce, même si il s'avérait que la femme face à moi n'était réellement qu'une membre des forces de l'ordre.
Ses paroles me remirent doucement à ma place, m'assurant qu'il n'était pas de mon devoir d'agir face à ces criminels, que je n'en avais pas les compétences. Je sentis mon sang légèrement s'agiter au coeur de mes veines. J'avais une paire de crocs qui auraient volontiers prouver le contraire. Mais en effet, je n'avais eu ni formation, ni apprentissage à ce niveau là. Après tout, je n'étais qu'un illustrateur sortant du monde de la mode, n'est-ce pas ? J'avais surement déjà vu autant de monstres humains qu'un policier pourrait s'en vanter. Mais les miens ne finissaient pas derrière les barreaux. Ils terminaient en couverture de magazine, dans les soirées mondaines, sur les estrades et sous les projecteurs. Ils étaient adulés, choyés et admirés. Les agents, les créateurs, les photographes, les diététiciens...des monstres aux armes esthétiques dont on fait semblant de ne pas voir les dents et les meurtres à leur échelle. Combien de fois m'étais-je retrouvé face à une mannequin sans volonté aucune de continuer à vivre ? Le corps pas plus gros qu'une tige de roseau, les regard mort, les espoirs envolés et la fierté brisé ? Quelle mort était la pire ? Celle du corps, ou celle de l'âme ?
Elle mentionna la Belgique. Je me figeais. Des flashs, des souvenirs. La douleur. Le stress. La précipitation. Les cris. Les attentes. Les mannequins. Les photos. Les serpents. Ombe. La maladie. Ma mère. Tout se mélangeait douloureusement dans ma tête. Je restais silencieux quelques secondes, le temps de trouver une réponse, de savoir quoi dire. Mais que dire ? Non, je me suis enfui avec ma défunte fiancée pour pouvoir mourir dans un trou paumé ? oui, non, parce que finalement moi je suis pas mort. VOYEZ-VOUS J'AI ÉTÉ MORDU ET SUIS DEVENU UN LOUP-GAROU...Non, je ne pouvais pas lui dire ça. A personne d'ailleurs. Personne ne devait être au courant de ma maladie, de ce qui avait faillit me prendre la vie. Je ne pouvais clairement pas dire qu'aux yeux de ma famille, j'étais probablement mort. Oui parce qu'un fils qui en a pour moins d'un an, qui disparaît du jour au lendemain...on suppose qu'il a voulu profiter encore de la vie et que par honneur il est partie loin pour que personne n'ai à subir ses derniers instants de vie. J'aurais très mal supporté que de devoir assister aux allés et retours de ma mère à l'hôpital une fois que la sclérose serait devenu de plus en plus présente. Elle serait venue, par honneur. Et je ne voulais pas ça. Je ne voulais pas de son honneur à trois sous, de son regard désolé et plein de reproches parce que son fils unique ne fut même pas capable de lui donner un petit-fils avant de clamser. Un parent n'est pas sensé enterrer son enfant. Je ne voulais pas qu'elle ai à jeter le premier tas de terre sur mon cercueil. Alors j'étais parti. Avec Ombe.
- Je ne suis pas retourné en Belgique depuis mon arrivée ici pour être tout à fait franc. A vrai dire, je n'arrive pas à trouver le temps. Il y a trop à faire ici. Mais oui, je viens bel et bien de Belgique. Amsterdam, pour être plus précis.
Je n'étais qu'à moitié étonné qu'elle ne devine mes origines. En effet, mon nom ne gardait pas longtemps le mystère et elle me semblait bien plus observatrice qu'elle ne le laissait paraître. Après tout, si elle ne figurait pas parmi les plus compétents de sa branche, elle n'aurait très certainement pas été envoyée ici pour enquête sur ces meutres.
- A vrai dire, je pense que nous sommes tous plus ou moins perdus face aux événements. N'étant qu'un civil, je doute être au courant de tout ce qui concerne cette affaire, et dans un sens j'en suis ravi. Je tiens à mon sommeil. Tout ce que je sais, en mon statut d'illustrateur et serveur, c'est qu'il a commencé à y avoir des meurtres un peu partout, sans liens entre eux, puis qu'à la St Patrick un groupe de psychopathes sont apparus pour tuer beaucoup de gens. Je n'en sais pas plus. La police les cherche et...et c'est tout. répondis-je d'un ton calme et posé. La situation en soit n'était pas très compliqué dès lors qu'on enlevé la carte surnaturelle du paquet. Avec plaisir, pour l'entrevue. Vous pourrez me raconter ce que vous pensez de Glencullen, malgré ces tragédies, ça reste une bourgade plutôt sympathique. Mensonge. Un gros mensonge bien dégueulasse que celui-là. Mais je devais accorder une chose à ce trou perdu: il y avait matière concernant les paysages.
On m'avait souvent demandé pourquoi le dessin. Pourquoi l'art ? Cela n'avait aucune valeur économique, cela ne promettait aucune carrière relaxante et convenable. Je savais pertinemment qu'en me lançant dans une carrière comme celle de l'illustration, de la peinture, du dessin, je me risquais à une vie de misère parfois soulagée par une commande plus importante que les autres. Mais je ne désirais plus une vie faite de luxe et d'amas de richesse. Je ne désirais pas atteindre mes quarante ans en ayant acheté une maison, une voiture et me tenant fraîchement marié au bras d'une femme portant notre second enfant. Non. Peu pour moi. Déjà parce que je pouvais tout autant finir ma vie lové au creux d'un torse masculin plutôt que contre une poitrine délicate. Mais aussi parce que j'en avais déjà trop vu à Amsterdam, des gens bouffés par leurs possessions. Galvanisés par leurs accomplissements et leur réussite dans tel ou tel milieu. Très peu pour moi. Je n'en voulais plus. L'art. L'art pour exorciser mes nombreux démons, pour donner vie à ces parties de moi que je ne pouvais pas définir sous forme de mot. Parce que ces élans, ces énergies, ces ombres, elles ne pouvaient s'échapper de moi que par l'intermédiaire de mon pinceau, de mon crayon. Je comprenais les danseurs, les passionnés, les chanteurs, les musiciens, les écrivains. Je comprenais ces âmes qui accumulaient bien trop pour tout contenir. De ces personnes qui ne se sentaient vivant que sur scène ou un stylo à la main. Car dans ces moments d’allégresse, tout allait mieux. Tout s'évaporer. La douleur que nous montrions sur nos œuvres n'était rien d'autre que celle que nous n'avions eu de cesse d'avoir en notre fort intérieur. J'avais besoin de dessiner, pour ne pas imploser sous la force de toutes ces sensations et toutes ces émotions contradictoires et bien trop fortes pour restés enfermés en mon âme. L'art pour survivre. L'art pour ne pas devenir fou. L'art pour être qui j'étais. L'art pour montrer. L'art pour partager.
- Nous ne sommes pas tous sensibles aux même chose. Chaque domaine dans l'art trouve ses propres adeptes. Une âme trouve sa paix dans une forme plutôt que dans une autre. C'est normal. Car nous portons tous le poids de notre vécu et de notre être pur sur nos épaules et que tout cela nous guide et nous influence. Si tout l'art pouvait être apprécié par tout être humain dans son ensemble, il n'en aurait que moins de valeur. Car personne ne se sentirait réellement touché par une oeuvre précise. Ce serait un amas flou de beau. Alors que c'est tellement plus... commençais-je avant de me contraindre au silence. J'étais facilement emballé par le sujet et si je ne m'arrêtais pas de moi-même...je pouvais en parler des heures sans jamais faire réellement de sens. Peur ? Pas du tout. Je respecte toute forme de croyance ou d'idéologie tant que le respect mutuel est de mise. Je suis pour ma part athée jusqu'au bout des doigts, mais cela ne m'empêche pas de trouver une certaine poésie de temps en temps en baladant mes yeux sur tel ou tel texte, tel ou tel iconographies. Je pense que la foi, la religion, est un domaine dès plus privé et intime. Je n'ai aucunement le droit de juger le coeur d'une personne, et donc sa foi. Tant que tout cela reste maîtrisé. Le danger est dans l'extrême, dans l'excès.
Sujet: Re: Trait pour trait Ft. Khéops Vandekeybus Mer 29 Juin - 12:05
A l’évocation de la Belgique, il y avait eu comme un moment de blanc et de silence pourtant très intense. L’homme qui jusque là semblait très en maîtrise de lui-même avait paru un brin assuré peut être. Ca avait été à peine perceptible, comme une ombre dans son regard, quelque chose de tumultueux en tout cas qui, pendant l’espace d’une seconde à peine, l’avait tenu loin, très loin de leur conversation. Il s’était reprit mais Yu Lan avait vu, toute habituée qu’elle était à décrypter ce genre de signe chez les membres de leur organisation. Il y avait eu un peu de surprise aussi, comme si Vandekeybus ne s’était pas attendu à ce qu’elle fasse allusion à son pays d’origine. Pourtant c’était lui-même qui lui avait tendu la perche un peu plus tôt en lui donnant la nationalité de son nom.
Quoi qu’il en soit il finit par retrouver le sens de la parole et bien qu’il donne une raison liée à ses occupations pour n’avoir pas remit les pieds dans le berceau qui l’avait probablement vu naître, Yu Lan sentait que d’autres raisons étaient à l’œuvre. Pas qu’elle demanderait : ce serait déplacé. Mais nous avions tous un squelette ou deux dans notre placard. Visiblement, celui de cet homme là grattait encore à la porte parfois, non… ?
Un air surprit passe cependant sur les traits de Yu Lan alors qu’Amsterdam est évoqué. Les rouages de sa cervelle doivent peut être même s’entendre dans la pièce alors qu’elle réfléchit mais ne parvenant pas à une solution satisfaisante par elle-même, Yu Lan reconnaît :
« Je ne savais pas qu’il y avait une ville de ce nom en Belgique. Elle me fait plutôt irrémédiablement penser aux Pays-Bas. »
Un pays où elle n’avait jamais mit les pieds d’ailleurs. Mais bon, au jeu des capitales elle était comme la plupart des gens ayant reçu une assez bonne éducation ! Sans les connaître tous sur le bout des doigts, elle en connaissait néanmoins un certain nombre.
Quoi qu’il en soit, un bref historique des faits lui est donné et Yu Lan s’assombrit un peu, las de ce genre d’évènement. Elle réalisait toujours un peu, à chaque déplacement, qu’elle semblait suivre les massacres et le sang. C’était décourageant même si elle ne se serait pas laissée envahir par ce genre d’abattement. Il fallait bien que quelqu’un se charge de tout ceci… Que ces créatures néfastes quittent la surface de la terre. Que laisseraient-ils à leurs enfants, sinon ?
« Je vois… »
Peut être n’allait-elle pas en rajouter pour le moment. Elle avait bien assez à faire à parler de ce genre de chose en long, en large et en travers avec Jiang Li. Elle aussi pouvait s’accorder un instant de repos. Comme son invitation est en tout cas acceptée, Yu Lan cherche dans son porte carte une de ces cartes qu’elle avait parfois déjà donné ici, comme au Lieutenant Volkov par exemple. Ce petit rectangle blanc avec son nom unique en idéogramme chinoise d’un côté et en lettre latine de l’autre, avec la fleur d’arbre à thé rose en filigrane et dans le bas son numéro de téléphone.
« Appelez-moi. »
Dieu seul savait s’il le ferait mais ça pouvait être l’occasion d’un dîner agréable ou d’une activité quelconque. Peut être liée à une passion commune même si elle doutait qu’un musée ou quelque chose de ce style se trouve ailleurs que dans la grande ville voisine.
Vandekeybus s’enflamme ensuite à propos de l’art et de la perception qu’on pouvait en avoir. Un sourire discret passe sur les lèvres de Yu Lan et un regard rieur l’accompagne. Au moins était-il devenu comme plus chaleureux à sa façon, même si on était de toute évidence loin des grands élans de sociabilité. Mais elle comprenait : elle était un peu comme ça aussi, quoi qu’elle se montre souvent plus ouverte. Yu Lan faisait partit de ces gens qui pensent que sans ça on obtenait rarement ce qu’on désirait… Et son attitude lui avait pas mal servit jusque là. Et puis si elle avait été aussi repliée sur elle-même au départ que l’homme en face d’elle, la conversation n’aurait pas été bien loin sans doute et elle n’aurait pas pu découvrir l’homme charmant qui se cachait visiblement derrière cette épaisse coquille ! Il lui rappelait un peu Jiang Li, bien que leurs personnalités puissent paraître extrêmement opposées.
Sa vision de la religion rejoignait en tout cas une bonne partie de la sienne et Yu Lan se contente d’un petit hochement de la tête, approuvant donc.
« C’est une version presque romantique. Elle me plaît je dois l’admettre. »
Son regard va jusqu’à une horloge un peu dépassée et probablement pas exacte quant à sa façon de donner l’heure mais ça lui donnait en tout cas une bonne idée du temps qui avait passé.
« Je crains devoir vous abandonner. »
A nouveau elle tend sa main à Vandekeybus, sourire aux lèvres.
« J’ai été ravie de faire votre connaissance. J’attendrais votre appel. »
Elle ne pouvait pas s’éterniser ici et le belge avait sans aucun doute d’autres chats à fouetter.
« Si vous avez une galerie photo, n’hésitez pas à me l’envoyer, je serais très curieuse de voir ce que vous faites. »
Dans un patelin comme celui-ci, quelles avaient été les chances qu’elle tombe sur un artiste, après tout… ?
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Sujet: Re: Trait pour trait Ft. Khéops Vandekeybus Mer 6 Juil - 18:02
Out-Heroding Herod
± TRAIT POUR TRAIT ±
J'avais beaucoup voyagé au court de ma vie pour le moment plutôt courte. J'avais pourtant encore tant à voir. L'Asie, l'Australie, la France, les Etats-Unis. J'avais vu énormément de choses, vécue dans des lieux sordides et d'autres bien plus luxueux. Je m'étais senti fourmi puis géant. Les lieux se mélangeaient, parfois les souvenirs aussi. Mais le melting point le plus absolu se retrouvait au court des années passées à suivre ma mère, de Bruxelles à Amsterdam, de Amsterdam à Bruxelles. Elle était actrice, mannequin. J'étais son poulain, son bébé. Tantôt devant l'objectif, tantôt derrière. J'aimais ma mère, profondément. Mais elle avait toujours été aussi inaccessible que mon père. L'un absent, l'autre distante. Ses rares mots d'approbation se faisaient par intermédiaire. Je gardais de très bons, et de très mauvais souvenirs de cette période.
Les propos de la femme face à moi me font réfléchir deux secondes, me remémorant le fil de la discussion. "Tout juste, Amsterdam est au Pays-Bas, c'est moi, je me suis emmêlé les pinceaux. Un comble pour un artiste me direz-vous, mais il n'est pas rare que les souvenirs se mélangent et donc les lieux de même." piètre explication qui pourtant était dès plus sincère et véridique. Je me sentais un peu bête. Ca ne m'arrivait pas souvent, mais quand ça m'arrivait, j'étais paré pour des jours et des jours de regret. C'était tout moi ça, m'en vouloir des jours et des jours pour une erreur ridicule que tout le monde aura déjà oublié. "C'est bien pour ça que je suis illustrateur et pas agent de police. Ce serait catastrophique." je tentais une pointe d'humour. Le genre à me sortir de ma propre honte. Je détestais ce sentiment, l'envie de retirer à tout pris ma propre gène.
"Je vous appellerais." dis-je en me saisissant délicatement de la carte tendue en ma direction. Peut-être pas demain ou dans la semaine à venir, mais je l’appellerais. Pour quelles raisons ? Aucunes et trop en même temps. Un visage au traits communs faisait toujours du bien dans un coin comme Glencullen et elle avait cette façon de se tenir qui me posait challenge. Je n'étais pas le plus impressionnant, je perdais mon statu de perche dangereuse face à elle. Elle et son air glacé, elle et sa voix de velours qui caresse le loup dans le sens du poil. J'ai toujours eu tendance à accorder trop d'importance aux voix. Elles m'apaisent ou me soumettent, m'encouragent ou me brusquent. Laide ou agréables, brisées ou à peine utilisé. La voix était une de ces caractéristique qui changeait obligatoirement d'un être à l'autre. Chaque mot prononcé par une autre bouche changeait de sens, d'impact.
Soudain la bulle autour de nous éclata et elle me tendit à nouveau la paume de sa main. Mademoiselle Mao me signala son départ imminent et je ne pu m'empêcher de me sentir soulagé. Elle était dangereuse cette femme, je le sentais. Elle n'était pas là que pour ces affaires de meurtres, ou du moins, pas pour la version officielle. Avait-elle un rapport avec Jiang Li ? Je craignais que ces deux personnages au teint doré ne soient liés...bien sûr, ce serait presque évidemment. Ce serait trop logique même. Je détendis mon visage après m'être rendu compte que mes sourcils s'étaient froncés tout seul. "Au plaisir. Je vous enverrais quelques dessins." dis-je doucement en lui serrant la main à mon tour. Politesse. Polie mais sur mes gardes. Elle n'était pas comme les autres employés de ce commissariat. Elle et Jiang Li n'étaient que trop différents pour n'être que des agents humains. Je savais dors et déjà que Jiang Li me trouerait la peau en apprenant ma nature...mais Mao ? Mystère.
Je baissais légèrement la tête en signe d'au revoir et retournais à mon bureau où m'attendait le portrait d'un des suspect. Un nécro. Un monstre. Si loups et chasseurs ne se laisseront jamais en paix, voilà que nous avions au moins le même ennemi. Maigre consolation.
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Sujet: Re: Trait pour trait Ft. Khéops Vandekeybus